CEC Lyon 2020-21 - sans avocat - témoignage
Posté : 24 mars 2021 18:47
Bonjour tout le monde !
Je crée ce sujet pour témoigner sur ma procédure de changement de mention de genre au tribunal de Lyon en 2020-2021. Les témoignages précédents m’étant été très utiles, mais mon expérience ayant été finalement assez différente je me suis dit que je devais ajouter ma pierre à l’édifice. La procédure est encore en cours, j’ai eu mon audience m’ai j’attends le jugement final.
J’ai obtenu mon changement de prénom en mairie en juin 2018 (mairie de Lyon 3e), je demandais donc seulement le changement de la mention de genre. Je l’ai faite sans avocat, avec l’aide de différents sites internet (dont ce forum) et surtout avec cette page de ACTHE (https://www.acthe.fr/fiches-pratiques/2 ... iecle.html) .
J’ai rassemblé toutes les pages de mon dossier pendant le premier confinement, et je l’ai envoyé au tribunal en juillet 2020.
Mon dossier contenait :
• La requête
• 5 attestations (mes deux parents, une de mes sœurs, ma compagne, un ami-collègue)
• Une capture d’écran d’un logiciel du boulot qui comportait la mention « Monsieur »
• Une facture EDF à « Monsieur »
• Ma décision d’autorisation de changement de prénom
• Le consentement libre et éclairé
• Une attestation de domicile + CNI
Même si je suis hormoné depuis quelques années et que je suis passé par un psychiatre, je n’avais pas inclus de pièce d’ordre médical, j'avais juste mentionné prendre des hormones dans ma requête. C’était un peu militant (parce que j’aurais pu me plier au truc quand même sachant que j’aurais mis toutes les chances de mon côté) mais pas seulement. De mon point de vue ce n’était pas cohérent. Je devais prouver mon identité masculine, et mon suivi médical est plutôt une conséquence de mon identité qu’une preuve à mes yeux. Comme vous allez le lire plus tard si vous allez jusque-là, l’absence de papiers de cet ordre m’a été reprochée, mais au final cela ne semble pas changer grand-chose.
Au mois de décembre 2020 je reçois ma convocation pour une audience en mars 2021, donc à peu près 6 mois après mon envoi (avec AR). Je m’étais dit que je me préparerais à l’audience une semaine à l’avance en relisant bien mon dossier et les témoignages de ce forum, mais finalement je me noyais dans le boulot donc j’y suis allé sans avoir rien relu.
L’audience :
J’étais convoqué à 14h, comme toutes les personnes ayant une audience cet après-midi-là. Au final j’ai attendu deux bonnes heures avant mon audience, qui a duré 10 minutes tout au plus. Je travaillais le matin, j’y suis donc allé directement en sortant du travail. J’étais habillé comme tous les jours pour aller au boulot, je me suis dit que je serais plus à l’aise si je ne changeais pas mes habitudes. Je passe la sécurité en bas, j’avais pensé à sortir mes ciseaux de mon sac, mais par la gourde et le thermos. On me les garde donc à l’entrée (j’ai pu retourner les chercher après). Je demande mon chemin à l’accueil, les gens sont très gentils et tout est assez bien indiqué.
Le bâtiment est un peu étrange, j’aurais du mal à le décrire. Il est haut, et les couloirs des niveaux sont sur des sortes de grands balcons qui donnent sur la grande pièce principale. J’attends dans un de ces couloirs à côté de la porte de ma salle d’audience avec une quinzaine d’autres personnes. Je pensais qu’avec la pandémie les accompagnateur.ices n’étaient pas autorisé.e.s mais certaines personnes sont accompagnées de plus d’une personne. Il y avait peu de bancs donc je suis resté debout, comme pas mal de monde au final.
Je ne comprenais pas trop ce qu’il se passait, des gens en longue robe noire allaient et venaient dans la salle, il semblait y avoir des audiences en cours. Des avocat.e.s arrivaient et repartaient parfois accompagné.es de client.e.s. Apparemment les audiences de la session précédente n’étaient pas terminées. Un homme (grande robe noire mais chaussures de marche, ça détend un peu) nous appelle et nous demande si nous venons avec un.e avocat.e. La plupart d’entre nous n’a pas d’avocat.
Et là commence l’attente. J’étais bien angoissé. Il n’y avait pas de fenêtre dans le couloir, le plafond est bas et tout est en bois assez sombre. J’avais soif et je n’avais plus d’eau puisque ma gourde avait été prise en bas. J’avais mal aux jambes et au dos de rester debout sur place (plus le boulot le matin). Les gens avec avocat.e.s sont appelés en premier, puis les autres. Je ne sais pas quel ordre est suivi, pas l’ordre alphabétique en tous cas. Une place sur un banc finit par se libérer, je m’assois et essaie de corriger quelques copies (je suis prof) pour me changer les idées. Ça marche. Les audiences avec avocat.e.s durent au moins 25 min chacune, mais les autres vont vite, et c’est enfin mon tour.
J’entre dans une salle assez petite, sans fenêtre et toujours avec le même bois partout. Il y a une estrade avec le jury que je salue, un espèce de pupitre devant, 3 rangées de bancs vides et un banc collé au mur du fond sur lequel sont assis une femme que je n’ai pas identifiée mais qui est en tenue de civil et l’homme aux chaussures de marche qui nous appelait dans le couloir. On me dit d’avancer jusqu’à la barre. J’imagine donc que c’est le pupitre. J’y vais, je pose mon sac par terre mais je garde mon manteau car je ne vois pas d’endroit où le poser.
Le jury n’est composé que de femmes, et je dois dire que ça m’a un peu rassuré. Une d’entre elles prend la parole. Elle a un ton très doux et a l’air plutôt sympathique. Elle explique la raison pour laquelle je suis là, puis résume le parcours que j’ai décrit dans ma requête. Cela prend bien 5 minutes, et je suis rassuré de constater que mon propos et mes justifications ont très bien été comprises. Elle relève le fait que je dise avoir pris conscience de ma transidentité à 22 ans et me dit qu’il faudra que j’explique pourquoi à ce moment-là (mais finalement elle n’y est pas revenue). Elle pensait tout d’abord que ma mère n’avait pas témoigné et me demande pourquoi. En fait elle avait égaré son témoignage mais il a été retrouvé par sa voisine de table. Du coup j’imagine que ça veut dire que les juges aiment bien constater l’acceptation de tous les parents. Seul point un peu grinçant, elle a donné mes anciens prénoms. Je ne sais pas pourquoi.
Une fois que son résumé est terminé, on me demande si j’ai quelque chose à ajouter. Je dis que non, que tout a été ré-expliqué clairement à mes yeux. J’insiste à nouveau sur l’importance du changement pour mon travail, expliquant que je crains parfois les réactions de parents d’élèves si mon état civil venait à fuiter par les nombreux logiciels et sites internet que nous utilisons. On me demande dans quel établissement j’exerce. Quand j’en donne le nom et la localisation j’ai droit à des soupirs de sympathie. Je suis dans un endroit réputé difficile (même si je trouve que ça va), et pour une fois je suis content que ça me serve à quelque chose.
Ensuite vient le moment de parler du sujet qui fâche. On (une autre personne du jury) me fait remarquer que je n’ai pas inclus de pièces médicales dans mon dossier, tout en me rappelant que ce n’est pas un motif de refus mais que c’est étrange parce qu’il y en a dans la plupart des dossiers (ça je demande à voir mais bon). On me demande si je suis suivi par des médecins. Je me retiens de dire que mes vaccins sont bien à jour, merci. Je dis que oui, que j’ai précisé dans ma requête que je prenais des hormones masculinisantes. J’explique qu’elles me sont prescrites par ma généraliste. On sous-entend que ça va, parce que finalement ça se voit que je suis hormoné. On me demande mon point de vue sur la chirurgie. Je dis que c’est un projet, mais que je voulais le CEC avant et que je l’attends pour prendre mon RDV (ce qui est vrai). Elles ont l’air satisfaites de mes réponses.
Cela conclut les échanges. On m’explique ce qu’il va se passer par la suite, que la structure est petite et que les jugements peuvent prendre du temps mais qu’elles vont me faire passer mi-avril puisque c’est important pour moi d’avoir la réponse rapidement, pour une réponse définitive fin avril et des papiers d’identités changés au plus tard du tard cet été. Quelqu’un évoque le délai d’appel après la décision (15 jours) avant sa confirmation, mais la dame qui est chargée de faire ces démarches sous-entend que ce ne sera pas la peine et qu’elle fera tout d’un coup. On m’explique que c’est parce que la décision est prise et que personne ne la contestera. Je prends tout ça comme une réponse positive à ma demande. Je les salue puis je sors, 10 minutes après être entré.
Voilà voilà pour le récit de mon après-midi au tribunal ! Je suis sorti épuisé mentalement mais satisfait. Au final une semaine plus tard je suis très content de cette audience. On m’a parlé des trucs médicaux, mais elles ont été à l’écoute et réceptives à mes arguments.
N’hésitez pas si vous avez quelconque question sur n’importe quelle partie de ma demande, même sur la couleur de la porte d’entrée du tribunal ou la température, je comprends trop l’envie de connaître ces détails aha.
Je crée ce sujet pour témoigner sur ma procédure de changement de mention de genre au tribunal de Lyon en 2020-2021. Les témoignages précédents m’étant été très utiles, mais mon expérience ayant été finalement assez différente je me suis dit que je devais ajouter ma pierre à l’édifice. La procédure est encore en cours, j’ai eu mon audience m’ai j’attends le jugement final.
J’ai obtenu mon changement de prénom en mairie en juin 2018 (mairie de Lyon 3e), je demandais donc seulement le changement de la mention de genre. Je l’ai faite sans avocat, avec l’aide de différents sites internet (dont ce forum) et surtout avec cette page de ACTHE (https://www.acthe.fr/fiches-pratiques/2 ... iecle.html) .
J’ai rassemblé toutes les pages de mon dossier pendant le premier confinement, et je l’ai envoyé au tribunal en juillet 2020.
Mon dossier contenait :
• La requête
• 5 attestations (mes deux parents, une de mes sœurs, ma compagne, un ami-collègue)
• Une capture d’écran d’un logiciel du boulot qui comportait la mention « Monsieur »
• Une facture EDF à « Monsieur »
• Ma décision d’autorisation de changement de prénom
• Le consentement libre et éclairé
• Une attestation de domicile + CNI
Même si je suis hormoné depuis quelques années et que je suis passé par un psychiatre, je n’avais pas inclus de pièce d’ordre médical, j'avais juste mentionné prendre des hormones dans ma requête. C’était un peu militant (parce que j’aurais pu me plier au truc quand même sachant que j’aurais mis toutes les chances de mon côté) mais pas seulement. De mon point de vue ce n’était pas cohérent. Je devais prouver mon identité masculine, et mon suivi médical est plutôt une conséquence de mon identité qu’une preuve à mes yeux. Comme vous allez le lire plus tard si vous allez jusque-là, l’absence de papiers de cet ordre m’a été reprochée, mais au final cela ne semble pas changer grand-chose.
Au mois de décembre 2020 je reçois ma convocation pour une audience en mars 2021, donc à peu près 6 mois après mon envoi (avec AR). Je m’étais dit que je me préparerais à l’audience une semaine à l’avance en relisant bien mon dossier et les témoignages de ce forum, mais finalement je me noyais dans le boulot donc j’y suis allé sans avoir rien relu.
L’audience :
J’étais convoqué à 14h, comme toutes les personnes ayant une audience cet après-midi-là. Au final j’ai attendu deux bonnes heures avant mon audience, qui a duré 10 minutes tout au plus. Je travaillais le matin, j’y suis donc allé directement en sortant du travail. J’étais habillé comme tous les jours pour aller au boulot, je me suis dit que je serais plus à l’aise si je ne changeais pas mes habitudes. Je passe la sécurité en bas, j’avais pensé à sortir mes ciseaux de mon sac, mais par la gourde et le thermos. On me les garde donc à l’entrée (j’ai pu retourner les chercher après). Je demande mon chemin à l’accueil, les gens sont très gentils et tout est assez bien indiqué.
Le bâtiment est un peu étrange, j’aurais du mal à le décrire. Il est haut, et les couloirs des niveaux sont sur des sortes de grands balcons qui donnent sur la grande pièce principale. J’attends dans un de ces couloirs à côté de la porte de ma salle d’audience avec une quinzaine d’autres personnes. Je pensais qu’avec la pandémie les accompagnateur.ices n’étaient pas autorisé.e.s mais certaines personnes sont accompagnées de plus d’une personne. Il y avait peu de bancs donc je suis resté debout, comme pas mal de monde au final.
Je ne comprenais pas trop ce qu’il se passait, des gens en longue robe noire allaient et venaient dans la salle, il semblait y avoir des audiences en cours. Des avocat.e.s arrivaient et repartaient parfois accompagné.es de client.e.s. Apparemment les audiences de la session précédente n’étaient pas terminées. Un homme (grande robe noire mais chaussures de marche, ça détend un peu) nous appelle et nous demande si nous venons avec un.e avocat.e. La plupart d’entre nous n’a pas d’avocat.
Et là commence l’attente. J’étais bien angoissé. Il n’y avait pas de fenêtre dans le couloir, le plafond est bas et tout est en bois assez sombre. J’avais soif et je n’avais plus d’eau puisque ma gourde avait été prise en bas. J’avais mal aux jambes et au dos de rester debout sur place (plus le boulot le matin). Les gens avec avocat.e.s sont appelés en premier, puis les autres. Je ne sais pas quel ordre est suivi, pas l’ordre alphabétique en tous cas. Une place sur un banc finit par se libérer, je m’assois et essaie de corriger quelques copies (je suis prof) pour me changer les idées. Ça marche. Les audiences avec avocat.e.s durent au moins 25 min chacune, mais les autres vont vite, et c’est enfin mon tour.
J’entre dans une salle assez petite, sans fenêtre et toujours avec le même bois partout. Il y a une estrade avec le jury que je salue, un espèce de pupitre devant, 3 rangées de bancs vides et un banc collé au mur du fond sur lequel sont assis une femme que je n’ai pas identifiée mais qui est en tenue de civil et l’homme aux chaussures de marche qui nous appelait dans le couloir. On me dit d’avancer jusqu’à la barre. J’imagine donc que c’est le pupitre. J’y vais, je pose mon sac par terre mais je garde mon manteau car je ne vois pas d’endroit où le poser.
Le jury n’est composé que de femmes, et je dois dire que ça m’a un peu rassuré. Une d’entre elles prend la parole. Elle a un ton très doux et a l’air plutôt sympathique. Elle explique la raison pour laquelle je suis là, puis résume le parcours que j’ai décrit dans ma requête. Cela prend bien 5 minutes, et je suis rassuré de constater que mon propos et mes justifications ont très bien été comprises. Elle relève le fait que je dise avoir pris conscience de ma transidentité à 22 ans et me dit qu’il faudra que j’explique pourquoi à ce moment-là (mais finalement elle n’y est pas revenue). Elle pensait tout d’abord que ma mère n’avait pas témoigné et me demande pourquoi. En fait elle avait égaré son témoignage mais il a été retrouvé par sa voisine de table. Du coup j’imagine que ça veut dire que les juges aiment bien constater l’acceptation de tous les parents. Seul point un peu grinçant, elle a donné mes anciens prénoms. Je ne sais pas pourquoi.
Une fois que son résumé est terminé, on me demande si j’ai quelque chose à ajouter. Je dis que non, que tout a été ré-expliqué clairement à mes yeux. J’insiste à nouveau sur l’importance du changement pour mon travail, expliquant que je crains parfois les réactions de parents d’élèves si mon état civil venait à fuiter par les nombreux logiciels et sites internet que nous utilisons. On me demande dans quel établissement j’exerce. Quand j’en donne le nom et la localisation j’ai droit à des soupirs de sympathie. Je suis dans un endroit réputé difficile (même si je trouve que ça va), et pour une fois je suis content que ça me serve à quelque chose.
Ensuite vient le moment de parler du sujet qui fâche. On (une autre personne du jury) me fait remarquer que je n’ai pas inclus de pièces médicales dans mon dossier, tout en me rappelant que ce n’est pas un motif de refus mais que c’est étrange parce qu’il y en a dans la plupart des dossiers (ça je demande à voir mais bon). On me demande si je suis suivi par des médecins. Je me retiens de dire que mes vaccins sont bien à jour, merci. Je dis que oui, que j’ai précisé dans ma requête que je prenais des hormones masculinisantes. J’explique qu’elles me sont prescrites par ma généraliste. On sous-entend que ça va, parce que finalement ça se voit que je suis hormoné. On me demande mon point de vue sur la chirurgie. Je dis que c’est un projet, mais que je voulais le CEC avant et que je l’attends pour prendre mon RDV (ce qui est vrai). Elles ont l’air satisfaites de mes réponses.
Cela conclut les échanges. On m’explique ce qu’il va se passer par la suite, que la structure est petite et que les jugements peuvent prendre du temps mais qu’elles vont me faire passer mi-avril puisque c’est important pour moi d’avoir la réponse rapidement, pour une réponse définitive fin avril et des papiers d’identités changés au plus tard du tard cet été. Quelqu’un évoque le délai d’appel après la décision (15 jours) avant sa confirmation, mais la dame qui est chargée de faire ces démarches sous-entend que ce ne sera pas la peine et qu’elle fera tout d’un coup. On m’explique que c’est parce que la décision est prise et que personne ne la contestera. Je prends tout ça comme une réponse positive à ma demande. Je les salue puis je sors, 10 minutes après être entré.
Voilà voilà pour le récit de mon après-midi au tribunal ! Je suis sorti épuisé mentalement mais satisfait. Au final une semaine plus tard je suis très content de cette audience. On m’a parlé des trucs médicaux, mais elles ont été à l’écoute et réceptives à mes arguments.
N’hésitez pas si vous avez quelconque question sur n’importe quelle partie de ma demande, même sur la couleur de la porte d’entrée du tribunal ou la température, je comprends trop l’envie de connaître ces détails aha.