CEC Paris (mtf réfugiée)
Posté : 03 mars 2023 04:38
Bonjour,
Je vous raconte ici le cas d'une demande de CEC déposée au tribunal de Paris par une femme trans réfugiée que j'accompagne à l'association du Mans. En tant que personne réfugiée, elle n'a pas le choix que de passer par le tribunal de Paris.
Le jugement n'est pas encore rendu mais rien que nos échanges tendus avec le tribunal montre que ce n'est pas un tribunal transfriendly.
Le topo rapide, il s'agit d'une femme trans syrienne qui a débuté sa transition en 2004, a dû fuir la guerre, a transité par le Liban où elle est restée 3 ans avant d'être orientée vers la France dans le cadre d'un programme de réinstallation des réfugiés. Elle est en France car reconnue comme femme trans. Cette personne est suivie médicalement par l' équipe hospitaliere de Tenon. C'est une très belle femme, impossible de "deviner" qu'elle est trans et comme elle a peur des répercussions, elle ne dit à personne qu'elle est trans donc peu de gens peuvent témoigner qu'elle se présente en tant que femme trans puisqu'elle se présente uniquement en tant que femme.
J'ai rédigé une requête conséquente en m'inspirant du site d'acthe. Depuis la procédure est un peu plus allégée et le tribunal du Mans qui est friendly trouve qu'on a tendance à en faire trop, qu'on peut clairement alléger les dossiers qu'on leur file, en mode la loi est bien plus souple aujourd'hui, les tribunaux ne sont plus comme avant (en gros vous écrivez une lettre vous souriez et les juges ils sont gentils et disent oui). Le discours de Paris est tout autre puisqu'il trouve que notre dossier n'est pas assez complet.
Dans le dossier en plus d'une requête de 11 p, nous avons ajouté les preuves suivantes (au total 21 pièces) :
- Titre de séjour et passeport datant de 2017
- Acte de naissance délivré par l'OFPRA il y a moins de 3 mois
- attestation de domicile (nom masculin mais civilité à Madame)
- certificat datant de 2015, établi au Liban au prénom féminin attestant du suivi des sessions culturelles dans l'objectif de sa réinstallation vers la France.
- factures au nom féminin allant de 2017 à 2023
- captures d'écran de son profil sur les réseaux sociaux (il n'y a pas son visage dessus mais un émoticône la représentant)
- des preuves médicales avec ordonnance d'hormones, prises de sang dans le cadre de son THS et surtout un courrier de l'équipe protocolaire de Tenon racontant son parcours migratoire, attestant qu'elle est bien trans selon le psy, récapitulant son THS selon l'endoc et les opérations déjà faites par eux selon le chirurgien et indiquant qu'elle est placée sur liste d'attente pour une vaginoplastie. J'ai beaucoup hésité à mettre des pièces médicales mais comme on a très peu d'attestations et qu'elle parle mal français, j'ai voulu blinder son dossier.
- une attestation d'une amie
- une attestation de l'asso (centre LGBTI du 72)
Elle a reçu un coup de fil du tribunal :
- demandant les pièces originales suivantes et non des photocopies : attestations + certificat de naissance. Les photocopies n'ont jamais posé de problème au tribunal du Mans mais soit.
- demandant de rectifier une coquille qui s'était glissée dans le consentement éclairé (j'ai échangé deux lettres dans l'orthographe du nom de famille). Ça d'accord c'est complètement compréhensible.
- demandant plus d'attestations : pourquoi faire ?
- demandant des photos : pourquoi faire ?
J'ai rappelé le parquet et je suis tombé sur la greffière. Je lui ai dit qu'on était d'accord pour l'envoi d'originaux et qu'on envoyait aussi une rectification du consentement éclairé mais qu'on refusait l'envoi de toute photographie. Elle ne me demande pas d'attestations supplémentaires lors de ce coup de fil mais me dit que les photos sont essentielles pour déterminer si la personne se présente bien en tant que femme. Je lui précise que les témoignages, les factures et ne serait que le fait qu'elle soit reconnue comme femme trans par la France puisque c'est la raison pour laquelle elle a obtenue son titre de réfugiée suffisent pour dire qu'elle se présente en tant que femme. Elle me dit qu'ils ne fonctionnent pas comme ça. Je lui dit que ce n'est pas en accord avec les recommandations du défenseur des droits et qu'accorder les droits à quelqu'un en fonction de son physique peut être entendu comme une discrimination en cas de refus. Elle me dit que le défenseur à son avis et qu'il peut demander des modifications de loi mais que eux l'appliquent telle quelle. Je leur dit que le tribunal du Mans, d'Angers, de Laval et de Nantes avec lesquels nous travaillons n'ont jamais exigé de photographies. Elle me dit qu'elle ne que le relais du procureur et que si nous ne voulons pas mettre de photos, il faut faire un courrier de refus signé par la requérante mais qu'il y a des risques qu'elle soit convoquée à l'audience pour voir si elle se présente bien en tant que femme.
Nous faisons une lettre de refus en invoquant la loi (à aucun moment le physique n'apparaît dans la loi, cette mention n'apparaît que dans le panorama des jurisprudences antérieures à 2016 ce doc n'a pas force de loi et est juste là pour aider les maires à comprendre ce qu'est un motif légitime pour changer de prénom) ; en citant le défenseur des droits ET en rappelant également qu'ils n'ont qu'à lire le dossier puisqu'on a tout de même versé des preuves médicales attestant d'une prise d'hormones depuis 2004 en tout et depuis 2017 en France, et que l'équipe médicale dans son attestation parle d'opérations notamment de la pomme d'Adam. De plus, on a versé des preuves datant du Liban, établit par l'organisme chargé de la réinstallation des réfugiés vers l'Europe et qui est établit déjà à l'époque à la civilité madame et avec le prénom féminin.
On vient de recevoir un avis réservé de la part du procureur qui la convoque à une audience car elle n'a pas fourni de photographies.
Je trouve ça relativement scandaleux, pour moi on est à la limite de l'abus de pouvoir et en plus il cite les pièces versées au dossier donc il l'a bien lu. C'est pas comme si c'était un gros flemmard qui n'avait rien lu et qui voyant qu'il n'y avait pas de photos n'avait pas voulu aller plus loin. Clairement il veut juste voir à quoi elle ressemble.
Elle ira donc à l'audience, on va bien la préparer. On a aussi fait un courrier pour qu'il y ait un traducteur assermenté puisqu'elle parle mal français. Je ne me fais pas de soucis, ils vont la voir, trouver que c'est une belle femme et voilà mais pour les femmes trans qui n'ont pas un bon passing ? En tout cas, on va les faire chier un maximum, ils vont devoir trouver un créneau d'audience et un traducteur.
Je verrais après son passage en audience mais j'hésite vraiment à envoyer de nombreuses photos de personnes cis ou trans et de leur demander de statuer sur qui se présente en tant que femme ou homme ? Je crains que ma copine qui est cis ne soit pas éligible au statut de femme...
Je vous raconte ici le cas d'une demande de CEC déposée au tribunal de Paris par une femme trans réfugiée que j'accompagne à l'association du Mans. En tant que personne réfugiée, elle n'a pas le choix que de passer par le tribunal de Paris.
Le jugement n'est pas encore rendu mais rien que nos échanges tendus avec le tribunal montre que ce n'est pas un tribunal transfriendly.
Le topo rapide, il s'agit d'une femme trans syrienne qui a débuté sa transition en 2004, a dû fuir la guerre, a transité par le Liban où elle est restée 3 ans avant d'être orientée vers la France dans le cadre d'un programme de réinstallation des réfugiés. Elle est en France car reconnue comme femme trans. Cette personne est suivie médicalement par l' équipe hospitaliere de Tenon. C'est une très belle femme, impossible de "deviner" qu'elle est trans et comme elle a peur des répercussions, elle ne dit à personne qu'elle est trans donc peu de gens peuvent témoigner qu'elle se présente en tant que femme trans puisqu'elle se présente uniquement en tant que femme.
J'ai rédigé une requête conséquente en m'inspirant du site d'acthe. Depuis la procédure est un peu plus allégée et le tribunal du Mans qui est friendly trouve qu'on a tendance à en faire trop, qu'on peut clairement alléger les dossiers qu'on leur file, en mode la loi est bien plus souple aujourd'hui, les tribunaux ne sont plus comme avant (en gros vous écrivez une lettre vous souriez et les juges ils sont gentils et disent oui). Le discours de Paris est tout autre puisqu'il trouve que notre dossier n'est pas assez complet.
Dans le dossier en plus d'une requête de 11 p, nous avons ajouté les preuves suivantes (au total 21 pièces) :
- Titre de séjour et passeport datant de 2017
- Acte de naissance délivré par l'OFPRA il y a moins de 3 mois
- attestation de domicile (nom masculin mais civilité à Madame)
- certificat datant de 2015, établi au Liban au prénom féminin attestant du suivi des sessions culturelles dans l'objectif de sa réinstallation vers la France.
- factures au nom féminin allant de 2017 à 2023
- captures d'écran de son profil sur les réseaux sociaux (il n'y a pas son visage dessus mais un émoticône la représentant)
- des preuves médicales avec ordonnance d'hormones, prises de sang dans le cadre de son THS et surtout un courrier de l'équipe protocolaire de Tenon racontant son parcours migratoire, attestant qu'elle est bien trans selon le psy, récapitulant son THS selon l'endoc et les opérations déjà faites par eux selon le chirurgien et indiquant qu'elle est placée sur liste d'attente pour une vaginoplastie. J'ai beaucoup hésité à mettre des pièces médicales mais comme on a très peu d'attestations et qu'elle parle mal français, j'ai voulu blinder son dossier.
- une attestation d'une amie
- une attestation de l'asso (centre LGBTI du 72)
Elle a reçu un coup de fil du tribunal :
- demandant les pièces originales suivantes et non des photocopies : attestations + certificat de naissance. Les photocopies n'ont jamais posé de problème au tribunal du Mans mais soit.
- demandant de rectifier une coquille qui s'était glissée dans le consentement éclairé (j'ai échangé deux lettres dans l'orthographe du nom de famille). Ça d'accord c'est complètement compréhensible.
- demandant plus d'attestations : pourquoi faire ?
- demandant des photos : pourquoi faire ?
J'ai rappelé le parquet et je suis tombé sur la greffière. Je lui ai dit qu'on était d'accord pour l'envoi d'originaux et qu'on envoyait aussi une rectification du consentement éclairé mais qu'on refusait l'envoi de toute photographie. Elle ne me demande pas d'attestations supplémentaires lors de ce coup de fil mais me dit que les photos sont essentielles pour déterminer si la personne se présente bien en tant que femme. Je lui précise que les témoignages, les factures et ne serait que le fait qu'elle soit reconnue comme femme trans par la France puisque c'est la raison pour laquelle elle a obtenue son titre de réfugiée suffisent pour dire qu'elle se présente en tant que femme. Elle me dit qu'ils ne fonctionnent pas comme ça. Je lui dit que ce n'est pas en accord avec les recommandations du défenseur des droits et qu'accorder les droits à quelqu'un en fonction de son physique peut être entendu comme une discrimination en cas de refus. Elle me dit que le défenseur à son avis et qu'il peut demander des modifications de loi mais que eux l'appliquent telle quelle. Je leur dit que le tribunal du Mans, d'Angers, de Laval et de Nantes avec lesquels nous travaillons n'ont jamais exigé de photographies. Elle me dit qu'elle ne que le relais du procureur et que si nous ne voulons pas mettre de photos, il faut faire un courrier de refus signé par la requérante mais qu'il y a des risques qu'elle soit convoquée à l'audience pour voir si elle se présente bien en tant que femme.
Nous faisons une lettre de refus en invoquant la loi (à aucun moment le physique n'apparaît dans la loi, cette mention n'apparaît que dans le panorama des jurisprudences antérieures à 2016 ce doc n'a pas force de loi et est juste là pour aider les maires à comprendre ce qu'est un motif légitime pour changer de prénom) ; en citant le défenseur des droits ET en rappelant également qu'ils n'ont qu'à lire le dossier puisqu'on a tout de même versé des preuves médicales attestant d'une prise d'hormones depuis 2004 en tout et depuis 2017 en France, et que l'équipe médicale dans son attestation parle d'opérations notamment de la pomme d'Adam. De plus, on a versé des preuves datant du Liban, établit par l'organisme chargé de la réinstallation des réfugiés vers l'Europe et qui est établit déjà à l'époque à la civilité madame et avec le prénom féminin.
On vient de recevoir un avis réservé de la part du procureur qui la convoque à une audience car elle n'a pas fourni de photographies.
Je trouve ça relativement scandaleux, pour moi on est à la limite de l'abus de pouvoir et en plus il cite les pièces versées au dossier donc il l'a bien lu. C'est pas comme si c'était un gros flemmard qui n'avait rien lu et qui voyant qu'il n'y avait pas de photos n'avait pas voulu aller plus loin. Clairement il veut juste voir à quoi elle ressemble.
Elle ira donc à l'audience, on va bien la préparer. On a aussi fait un courrier pour qu'il y ait un traducteur assermenté puisqu'elle parle mal français. Je ne me fais pas de soucis, ils vont la voir, trouver que c'est une belle femme et voilà mais pour les femmes trans qui n'ont pas un bon passing ? En tout cas, on va les faire chier un maximum, ils vont devoir trouver un créneau d'audience et un traducteur.
Je verrais après son passage en audience mais j'hésite vraiment à envoyer de nombreuses photos de personnes cis ou trans et de leur demander de statuer sur qui se présente en tant que femme ou homme ? Je crains que ma copine qui est cis ne soit pas éligible au statut de femme...