Se mégenrer soi-même (parlons pronoms)

[Méandre]

Salut les gens !

J'ai vérifié avec l'algorithme de recherche du forum et n'ai pas trouvé d'autre topic sur le sujet. S'il existe, je serais très curieux de le voir car ça me paraît une question importante.

Voilà, je m'interrogeais un peu sur "l'automégenrage" d'un point de vue des pronoms. La langue française étant ce qu'elle est, c'est pratiquement impossible de faire une phrase sans devoir l'accorder à son genre. Et je me souviens qu'en début de transition, j'avais beaucoup de mal à défaire les habitudes de langage que j'avais, et ça me faisait me sentir hyper mal. Par exemple, je demandais à mes amis d'essayer de me genrer au masculin, mais ça m'arrivait parfois de me tromper et de dire "On peut y aller, je suis prête." ou ce genre de choses. Et ça me faisait toujours me sentir horriblement mal. Pire que si quelqu'un m'avait mégenré parce que j'avais l'impression d'être un hypocrite et un poseur. Sans compter que le faire si tu essayes de cis-passer, ça peut être assez gênant.
Ça me faisait me sentir tellement mal que 1)interieurement je me remettais en question, est-ce que je ne suis vraiment pas une femme cis puisque j'utilise si naturellement les pronoms féminins. Certes, ils me font me sentir mal, mais ils viennent si facilement lorsque je parle. 2)exterieurement, je devenais un parano de l'accord. J'entends par là que je faisais hyper gaffe au point de tout accordé au masculin, même des trucs qui ne devraient pas l'être. Des adjectifs se rapportant à mes amies, ou même des noms communs féminins. Et ça a totalement ralenti mon apprentissage du langage inclusif que je commence tout juste à reprendre.

Ce n'est pas vraiment une question mais je pense que ça peut être un sujet intéressant et pour être honnête, je suis extrêmement curieux de votre rapport à vos pronoms ? Pour celleux d'entre vous qui n'utilisent plus ou aimeraient ne plus utiliser les pronoms qu'on leur a assigné à la naissance. Quelle place ils ont eu dans votre transition personnelle et sociale ? Est-ce qu'il vous a fallu un temps d'adaptation ou au contraire, ils ont suffisamment attendu dans le placard pour qu'une fois dehors, ils soient toujours au rendez-vous ? Est-ce que vous avez eu des expériences similaires et si oui, est-ce que vous tromper de pronoms pour vous-même est différent par rapport à quelqu'un d'autre se trompant de pronoms pour vous ?

Je voulais juste entendre vos pensées sur le sujet...

[John]

Je suis moi-même non-binaire/genderfluid, et j'ai vraiment du mal avec les pronoms. Quand j'utilise le feminin, j'ai l'impression de me 'tromper' et de donner aux autres l'autorisation de faire de même, et quand j'utilise le masculin j'ai l'impression de 'forcer', comme si je le faisais juste pour convaincre les autres. C'est saoulant.
J'ai le même problème avec mon prénom de naissance et avec le 'madame', que mes élèves utilisent tout le temps sans que ça me gène vraiment, alors que quand c'est d'autres personnes ça peut me foutre dans tous mes états.

J'ai choisi un nouveau prénom depuis quelques mois et j'ai aussi du mal à m'y faire, du coup j'ai du mal à me sentir légitime... Bref je me demande souvent comment font les autres, s'il y a quelque chose que je fais de travers, ou même si je devrais juste me poser moins de questions.

[sashameau]

Salut Méandre !

Ce que tu dis fais carrément écho à ce que j'ai vécu, au moins sur ce point : s'auto mégenrer fait plus mal que d'être mégenré.e par quelqu'un d'autre.
Au début ça m'arrivait aussi de le faire, par accident et ça laissait toujours un goût un peu amer, donc je comprends ce que tu veux dire. Si tu veux mon avis je pense que si les pronoms féminins viennent aussi facilement c'est parce qu'ils nous utilisés pour nous designer depuis au moins, toujours ? Les vieilles habitudes sont difficiles à perdre parfois..

Pour ma part comme j'écris beaucoup, je me genrais au masculin dans mes textes, et j'essayais de le faire de la manière la plus neutre possible (avec des adjectifs genre "sympa" ou "cool" au lieu de "gentil/gentille" par exemple) avec ma famille, même si ça passait toujours mieux quand je le faisais au féminin, dans un premier temps.
En gros, fallait jongler jusqu'au moment où on a toustes trouvé un équilibre.

J'ai l'impression que c'est le cas pour pas mal de gens, le fait de passer de l'un à l'autre, un juste milieu qui convient grosso modo à personne, jusqu'au moment où on trouve l'équilibre qui va à tout le monde.

Après, si je devais être tout à fait honnête, j'ai beau être à 200% à l'aise avec le masculin, le meilleur compromis reste l'inclusif, pour tellement de raisons.. mais d'ici à ce qu'il soit couramment employé, on peut encore poireauter un moment :/

[Kef]

Je me pose les mêmes questions que toi, Méandre. Merci d'avoir créé un topic à ce sujet. Comme toi, il m'arrive de me mégenrer et du coup, à chaque fois, je me pose des questions sur ma transition et je m'en veux énormément et je me sens moins légitime à réclamer des autres ce que je n'arrive pas à faire moi-même. Et comme toi, j'en viens à tout mettre au masculin de peur de me mégenrer... Et à d'autres moments, je me genre au masculin sans même avoir à y penser. Je pense que c'est une question d'habitude et qu'il est difficile de changer. Mais j'aimerais bien savoir au bout de combien de temps, nos vieilles habitudes cessent enfin d'exister. ^^

Et ce serait tellement plus pratique que le neutre existe et aussi que les gens arrêtent de genrer même juste pour dire bonjour...

[BreizhTea]

Lorsque je ne suis pas à l'aise à l'oral avec les gens autour de moi, j'utilise des tournures de phrase non-genrées autant que possible. Surtout que les accords "neutres" que j'utilise sont loin d'être populaires ou même compréhensibles quand les mots sont courts...

J'ai aussi eu le problème de l'auto-mégenrage par habitude, au début. Ou, autre truc qui m'a fait douter beaucoup : le réflexe de tourner la tête en entendant mon prénom de naissance. C'était au point que je sursautait constamment, et le fait que mon prénom de naissance soit populaire dans ma génération, ainsi que populaire dans les médias, n'arrange rien !

Mais, avec de la patience, on peut changer toutes les habitudes. Y compris celles-ci.

Courage ! On va y arriver !

[Méandre]

Personnellement, je rencontre de moins en moins ces problèmes. Au début de ma transition sociale, je me croyais bigenre donc je disais "Il ou Elle me vont, faites comme vous voulez". Et du coup, j'étais moi-même constamment mal à l'aise vis à vis de mes pronoms. Genre au féminin, j'avais l'impression d'être un imposteur qui refuse sa condition de femme cis et au masculin j'avais l'impression de tout ramener toujours à ma transidentité. Par exemple, je disais "Je suis prêt" mais j'avais l'impression de dire "Je suis prêt et, by the way, je vous ai dit que j'étais trans ? Hein ? Regardez à quel point je suis trans ! ".

Bref, depuis quelque temps je me genre exclusivement au masculin et si j'avais l'impression de me forcer de temps en temps (ou plutôt que "forcer" disons "conscientiser" quelque chose qui devrait être naturel), ça ne m'arrive plus du tout. Comme d'autres ont dit, les habitudes se changent et tous comme la transition hormonale prend du temps, la transition sociale, même vis à vis de soi, en prend aussi.

J'ai voulu créer ce sujet aussi pour déculpabiliser vis à vis de l'automégenrage. Je ne pense pas être le seul, mais j'ai remarqué que, sur cette question, on était bien plus dur envers soi qu'envers les autres. Je passe petit à petit l'étape de remise en question de mon identité profonde à chaque accord malheureux au féminin, donc je me suis dit que si on pouvait en parler un peu, ça pourrait aussi déculpabiliser les autres qui le font également.

En tout cas, c'est rassurant de voir que je ne suis pas le seul à être passé par là et, pour ceux qui y sont encore, ça viendra avec le temps ! Et vous trompez ne remet pas en cause votre identité, ça témoigne simplement de la place qu'on vous a demandé de prendre lorsqu'on vous a appris le langage.


@John, je me reconnais beaucoup dans ton parcours. Le fait d'utiliser il et elle a été très dur au début pour moi. J'avais peur, en utilisant elle, d'inciter tous les autres à l'utiliser également. Après, je ne pense pas que le fait que le "madame" de tes élèves ne te dérange pas soit une information à considérer sur ton identité. Mes parents continuent parfois de me donner les petits noms connotés féminins de mon enfance et ça ne me fait rien, alors que si quelqu'un m'appelle Madame au travail j'en ai du mal à respirer. Mais du coup, en tant que genderfluid, tu préfères quel titre de politesse ? Mx ?
Et pour ton prénom, juste par curiosité (mais tu n'es pas obligé de répondre, hein !) tu l'utilises dans quel contexte ? Est-ce que c'est que vis à vis de toi même que se fait le processus de familiarisation ou est-ce que tu as essayé de l'utiliser dans des contextes sociaux ?

[John]

@Méandre
À l'écrit j'utilise la formule Mx., Mais à l'oral ça coince, je n'ose pas trop l'utiliser ou demander aux autres de l'utiliser vu que c'est anglophone à la base... Il faut que j'aie une discussion sur le sujet avec ma direction.
Le prénom, je l'utilise au boulot auprès de mes collègues. En fait je crois que la difficulté vient du fait que, dans ma vie privée, tout le monde m'appelle par mon surnom (qui diffère beaucoup de mon prénom de naissance) depuis des années, même ma famille. Mais je n'utilise pas ce surnom pour tout ce qui est pro et je ne pourrais pas le faire mettre comme 'vrai' prenom sur ma carte d'identité car ce n'est pas un véritable prénom. Du coup j'en ai choisi un autre dans le but de me familiariser avec et pour aider mon coming out parce que mon prénom de naissance est indéniablement feminin et que j'en avais marre que la première assomption à sa lecture soit de me genrer au féminin.
Bref du coup je suis dans une situation où il ne me sert pas beaucoup, et comme il n'est pas sur mes papiers, les autres personnes à qui je peux avoir affaire (medecin, boutiques, retrait de colis...) Ne l'utilisent pas.
Je suis dans un cercle vicieux où je voulais le tester d'abord avant de faire une demande de changement de prénom, mais où tant que je ne l'aurai pas fait, je n'arriverai pas à m'habituer -_-

[sashameau]

Et ce serait tellement plus pratique que le neutre existe et aussi que les gens arrêtent de genrer même juste pour dire bonjour...

En soi les écritures neutres et inclusives existent déjà mais comme beaucoup s'y opposent, on les cache un peu (mon impression, du moins).
Par contre je te rejoins totalement sur le besoin maladif des gens à genrer pour un "bonjour". Apparemment c'est une question de respect, bon, je comprends pas pourquoi mais soit. Selon moi, c'est toujours plus respectueux de se contenter d'un "bonjour", que de risquer un "bonjour monsieur/madame" et mégenrer la personne en face de soi..

Par contre je suis tout à fait étranger aux pronoms neutres et à l'écriture inclusive.

Je te laisse le lien de deux sites ici, si en apprendre davantage sur les neutre/inclusif t'intéresse.

https://divergenres.org/regles-de-gramm ... inclusive/

https://divergenres.org/regles-de-gramm ... inclusive/

[John]

Après, l'écriture inclusive c'est bien... À l'écrit. À l'oral il reste difficile d'utiliser du neutre de façon à ce que ça s'entende sans que ce soit artificiel.

[sashameau]

Idem, question d'habitude je pense, la plupart de mes potes et moi y arrivons. Au début ça fait forcé, avec le temps ça passe nickel.