Bonsoir à vous deux et merci beaucoup pour vos réponses, qui m'apportent un éclairage nouveau sur ce que je ressens, et me parlent particulièrement

Je vais essayer de vous répondre point par point (enfin, à peu près haha)
> Wojtek
Salut Thyriphème, j'en profite pour te souhaiter la bienvenue sur le forum !
Merci beaucoup ! J'ai déjà parcouru quelques-uns des nombreux sujets postés dans la catégorie "pré-transition" et j'ai déjà trouvé beaucoup de bons conseils et de ressources ! Et j'espère avec le temps, et quand j'aurais plus d'assurance et de connaissances, pouvoir en prodiguer moi aussi, qui sait
Pour ma part je me définis en tant qu'homme trans. L'adjectif "trans" est très important pour moi pour plusieurs raisons qui rejoignent un peu ce que tu décris. Par ce qualificatif, je mets l'accent sur le fait que j'ai un parcours complètement différent de celui d'un homme cis (pas forcément mieux ni moins bien, juste différent), et donc de ce parcours découle une vision du monde très différente car en tant qu'homme trans, je suis passé par des expériences que ne vivra jamais un homme cis (c'est aussi pour cette raison que j'ai choisi de faire mon changement de prénom mais pas de genre). Dans tes questionnements, je pense que ce point est important.
En fait, oui, je n'y avais pas pensé, mais ça fait totalement écho en moi le fait de changer de prénom mais pas de genre. En fait, l'une de mes craintes, je crois, ce serait d'être perçu (à tort, du coup) comme un "homme cis", parce que j'aurais le sentiment que ce serait nier une part importante de mon identité en tant que personne trans/non-binaire. Si je faisais changer mon genre sur un plan purement administratif, pour moi, ça équivaudrait à dire que je serais né "homme" (même si ce n'est pas forcément ce que ça signifie hein) et que ça serait une part constitutive de mon identité, ce qui n'est pas le cas. Et c'est bête, mais du coup, je crois que c'est aussi ça qui me freine dans ma transition : autant je me sens de plus en plus gêné par le fait d'être genré au masculin et de me faire appeler par un prénom masculin alors que j'ai une apparence plutôt féminine (malgré tous mes efforts pour avoir au moins un passing androgyne... mais on me sert du "madame" à toutes les sauces malgré tout haha), autant je ne sais pas comment je me sentirais lorsque mon apparence concordera avec le pronom et prénom que j'ai choisis, parce que, pour le coup (après, je suis conscient que cela peut évoluer), je ne me définis pas comme homme trans, ni même comme homme tout court, et je ne voudrais pas non plus renvoyer cette image-là . Après, j'ai réalisé tout récemment que quand je me projette et que je m'imagine ressembler à un homme, je me vois me réconcilier avec tout ce que l'on qualifie de féminin (le vernis, les motifs floraux, les couleurs plutôt vives, les bijoux...), je me sentirais beaucoup plus à l'aise (en tout cas, je m'imagine l'être), justement parce que, même si cela accentuera un côté "féminin", on ne dira pas pour autant de moi que je suis une femme (et ça me conviendrait tout à fait car ce n'est pas comme ça que je m'identifie haha). Du coup, c'est drôle, mais si à l'heure actuelle je dirais de moi que je suis transmasculin, je m'imagine dans un style (vestimentaire, mais pas que) beaucoup plus "fluide", voire féminin, quand mon apparence sera plus masculine. Est-ce que ça a du sens ? Je sais que chaque personne est différente et qu'il n'y a pas de parcours moins légitime qu'un autre, mais une part de moi s'inquiète car je ne peux pas m'empêcher de trouver ça "bizarre", voire incohérent, de me dire que je souhaiterais transitionner pour avoir un passing plus androgyne, voire masculin, mais qu'une fois que j'aurais atteint ce but, je me sentirais plus libre d'essayer des choses plus "féminines"... peut-être parce que je n'aurais plus besoin de "contrebalancer" mon apparence féminine avec un style masculin, et que je me sentirais alors plus libre ? (je dis ça mais si ça se trouve, j'en resterai à un style très masc, je ne sais pas haha, mais ce n'est pas ce que j'imagine à l'heure actuelle en tout cas)
Du fait de ton parcours, ta masculinité sera forcément différente de celle d'un homme cisgenre, parce qu'être trans (qu'on se définisse comme homme ou non-binaire, ou autre) induit automatiquement des remises en questions, des questions de déconstruction des genres et de leurs rôles sociétaux, des réflexions sur les dynamiques de domination, etc. Quels que soit tes choix concernant la prise d'hormones et les interventions chirurgicales, ils ne changeront pas tes expériences vécues et ton identité profonde. Je ne pense vraiment pas qu'on puisse adopter des comportements qui nous répugnent juste parce qu'à première vue rien ne nous distingue d'un homme cis. Alors oui, il y a par contre le risque d'être mis dans la case "agresseur potentiel" juste en raison de l'apparence, c'est un fait. Mais généralement, cela dure une fraction de seconde, en croisant une personne inconnue. Si tu ne renvoies aucun signe d'un comportement d'agresseur, ni en actes ni en paroles, la personne comprends vite qu'elle a en face d'elle quelqu'un de correct.
Je pense que le truc d'être automatiquement classé au yeux des gens dans la case "homme" et donc nous coller l'étiquette d'agresseur potentiel, c'est l'inconvénient qui va de pair avec un cispassing masculin. On ne peut pas avoir de prise là -dessus puisque c'est un problème sociétal dû à des millénaires de patriarcat.
Une part de moi a tendance à se dire que, ayant vécu en tant que femme pendant 26 ans, j'aurais donc été "dans les deux camps" (c'est très simpliste comme expression mais tu as saisi l'idée je pense haha), j'aurais mon vécu de femme derrière (et avec) moi et c'est sûr que c'est une différence primordiale par rapport aux hommes cis. En fait l'une des choses que je redoute le plus, c'est le regard des gens (qui est là quoiqu'on fasse, de toute façon, on est bien d'accord), et j'ai peur de mal gérer ce changement de regard, de la part des inconnu.e.s, mais même de la part de mes proches : j'ai vraiment cette peur d'être perçu différemment, et de ne pas trouver ma place en fait. Je n'arrive pas à la trouver en tant que femme, et j'ai peur qu'en étant perçu comme "homme", mon sentiment d'inappartenance et d'inadéquation sociale soit encore plus marqué, alors que c'est précisément de ce sentiment-là dont je voudrais parvenir à me défaire. J'ai peur, même avec la transition, de ne pas réussir à me trouver comme je l'espère, voire de me perdre encore plus... Je m'éloigne beaucoup du sujet de ton paragraphe je pense, mais j'écris comme ça me vient aussi x)
Comme toi, ma plus grosse source de dysphorie était les règles. Même si elles n'étaient pas du tout douloureuses et peu abondantes, ça me foutait psychologiquement parterre. Et ma poitrine, bien que vraiment petite, me dérangeait aussi, la mammectomie c'était LE truc que j'étais sûr de vouloir faire. J'étais moins sûr pour la T.
Au point de départ de ma transition, en 2011, au moment où je me suis dit "je transitionne ou je reste comme je suis ?", ce qui m'a fait me décider c'est de me poser la question en ces termes : "Dans 10, 20, 30 ans... qu'est-ce que je risque de regretter le plus ? Avoir fait retirer mes seins, avoir une voix grave et du poil au menton, bref un physique de mec, ou bien au contraire n'avoir rien fait et être resté comme je suis actuellement en menant une vie en femme ?". Je n'ai pas eu a réfléchir longtemps, m'imaginer me retourner sur les années écoulées et être toujours socialement une femme est une idée qui m'a semblé insupportable. Je ne me voyais pas vieillir en femme, ni socialement, ni physiquement, ça ne collait pas, et c'est comme ça que j'ai pris la décision de commencer ma transition.
Alors, pour le coup, j'ai gardé en tête cet exercice de visualisation dont tu parles, d'essayer de s'imaginer vieillir, mais j'avoue que je n'arrive pas à me projeter. Là , actuellement, j'identifie très nettement que je ressens énormément d'euphorie quand je vois des vidéos d'hommes trans et/ou de personnes transmasc qui racontent leur parcours, montrent l'évolution de leur corps, et je me surprends parfois à me dire "oh lala j'aimerais trop lui ressembler" (pareil quand je croise un homme dans la rue et que son physique me "parle", pas au sens d'une quelconque attirance, mais par rapport à ce que je projette et ce à quoi je m'imagine ressembler). Mais je pense que mon cas est particulier, parce que je ne me vois pas vieillir tout court, en fait. Ni en femme, ni en homme. L'idée de la vieillesse m'effraie et me répugne totalement, et honnêtement, j'ai beaucoup de mal à m'imaginer au-delà de 40 ans (mais à mon avis, ça, c'est encore un autre sujet hahaha). Après, peut-être qu'en réessayant cet exercice de visualisation au quotidien, ça peut débloquer quelque chose.
Honnêtement, je n'en espérais pas tant. J'avais des espèces de "modèles", des types de physiques que j'aimais beaucoup mais que je pensais inatteignables, mais au fil des années comme je me sentais de mieux en mieux grâce à la T et à la mammec, j'ai eu envie de prendre soin de ce corps tout neuf alors je me suis mis au sport, je me suis forcé à bouffer mieux, etc. Et je me suis aperçu que les choses que je pensais impossibles à avoir, ben en fait grâce à la testo et à mes efforts, je pouvais les obtenir. Donc peut-être qu'il serait intéressant pour toi de mener une réflexion sur ce que tu aimes actuellement chez toi, ce que tu aimerais voir changer, et aussi dans le sens inverse les effets de la T que tu aimes et ceux qui risquent de té déranger.
A l'heure actuelle, je sais que je ne souhaite pas spécialement un "cis-passing", pour l'instant j'aimerais plutôt tendre vers l'androgynie, mais androgynie avec quand même des traits plus masculins. Je sais que j'aimerais bien avoir une voix plus grave, de la barbe (bon, la barbe, ça prend du temps, je sais hahaha), ou en tout cas de la pilosité faciale, être un peu plus musclé... Après ce qui me fait peur, ce serait d'avoir trop de pilosité à mon goût (car je suis très brun, et pour une femme, j'ai une pilosité plutôt prononcée, et j'avoue que je ne sais pas si j'aimerais en avoir encore plus haha), et la pousse du dicklit, ça c'est LE truc qui me fait angoisser. J'ai lu beaucoup de témoignages, regardé des vidéos, vu des photos et des schémas... mais comme la pousse varie en fonction des gens, je n'arrive pas à imaginer à quoi cela pourrait ressembler chez moi, et du coup ça me fait paniquer. J'ai peur de détester. Et comme c'est un effet irréversible...
Pour ma part, la prise de T a boosté ma confiance en moi, et donc a eu pour effet que tout en ayant un style très masculin et punk, je ne m'interdit maintenant rien en termes de fringues ou accessoires que ce soit perçu comme masculin ou féminin je m'en fous. La seule chose qui compte maintenant c'est que ça me plaise. Avant je me serais sans doute posé la question de si ça n'allait pas complètement niquer mon passing, ou si ça n'allait pas remettre en cause ma légitimité à être un mec, ce genre de choses. Aujourd'hui je n'ai plus ces questionnements, ça ne me pose pas de problème de mettre une veste cloutée sur un t-shirt avec une licorne à paillettes, au contraire, ça m'amuse beaucoup et je trouve ça joli. Et c'est peut-être aussi ce genre de détails qui m'éloigne de la case "agresseur potentiel"

(Et hop, la boucle est bouclée !)
Hahaha je me reconnais très bien dans ce que tu écris, justement. A l'heure actuelle, je me surprends à me dire "ah non, même si tu aimes ça, ne le mets pas parce que ça fait trop féminin...", alors que j'ai vraiment le sentiment qu'une fois que j'aurais un passing plus masculin, je pourrais tout essayer sans me priver (enfin en tout cas, quand j'aurais effectué le travail psychologique nécessaire pour dépasser ma peur du regard des gens ^^')
> j3r3mix
Je me retrouve dans plusieurs choses que tu abordes : le rapport au système reproducteur, la performance dans le genre assigné, l'intérêt pour les corporalités masc (par souci de ressemblance plus que par attirance), la problématique par contre de ressembler à l'agresseur (pour ma part à cause de certains individus dans ma famille^^)... Ce qui m'a encouragé à passer le cap ? J'ai pesé la certitude de ne pas accepter mon genre assigné, surtout après avoir bieeen essayé de forcer la chose, contre la probabilité de regretter une transition. Sûr vs possible, la T a gagné et bientôt 5 ans (+ mes opérations et CEC) plus tard je vis ma best life:)
Coucou j3r3mix, ton message me rend heureux pour toi (et me rassure aussi haha) ! Si ce n'est pas trop indiscret ni trop intime, quand tu dis "forcer la chose" par rapport à l'acceptation de ton genre assigné, c'est allé jusqu'à quel point ? Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, tu t'es dit "nope, c'est pas pour moi, j'arrête" (c'est dit de façon très schématique mais voilà haha) ? Car cela fait partie des questions que je me pose aussi : est-ce qu'il ne faut pas "juste" que je trouve une nouvelle forme de "féminité", d'être en tant que femme, qui me parlerait ? Est-ce que faire une transition hormonale ce n'est pas un peu trop "extrême", est-ce que j'ai vraiment tout essayé avant ? Et pourtant, là , dans ma vie, j'ai le sentiment d'en être arrivé à un point où me dire que je suis "une femme masculine" ne me suffit plus, qu'il me manque "quelque chose". Ou plutôt, que la perspective "d'être femme" me dérange. Je repense à la phrase d'Océan dans son reportage que j'avais regardé sur youtube. Je me souviens que, lorsque je l'avais regardé la première fois, et qu'il avait commencé son discours en disant "J'en ai assez d'être une femme", je m'étais dit que cette phrase était trop extrême pour moi, que ce n'était pas ce que je ressentais, que ça n'allait quand même pas jusque-là . Sauf que, petit à petit, plus ou moins consciemment, l'idée a fait son chemin, et quand j'ai revu le reportage, plusieurs mois après, cette même phrase a fait "TILT" dans ma tête. J'ai eu l'impression qu'en fait, c'était toujours ce que j'avais ressenti. Et j'ai eu un peu ce sentiment lors de ma dernière relation de couple, avec une personne AMAB qui s'identifiait comme non-binaire, et cultivait un style vestimentaire masculin mais avec des éléments très féminins, dont du maquillage par exemple, ou des jupes parfois. Et j'ADORAIS son style, mais j'avais le sentiment de ne pas pouvoir l'essayer, d'être privé de la liberté de le faire malgré mon envie, parce que tous ces éléments féminins m'auraient ramené à mon identité et à mon apparence physique de femme, et ça ne concordait pas avec ce que je voulais.
Sans indiscrétion, c'est quoi le CEC ? J'ai cherché sur internet et je n'ai trouvé que "Compte Engagement Citoyen", et le site de l'Eglise Catholique du Vatican... j'imagine que ça n'a rien à voir ? Hahaha
En tout cas, merci encore pour vos réponses qui m'apportent beaucoup
