Peut-on se tromper en pensant être trans ?

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Bluepoppy
Pierre moussue
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Re: Peut-on se tromper en pensant être trans ?

Message par Bluepoppy » 21 mars 2017 01:05

Oui j'ai discuté avec plusieurs personnes qui m'ont dit avoir un ressenti trans, mais ne pas vouloir transitionner (pas même socialement) parce que c'est trop difficile pour elles. Et ce malgré un ressenti continu et probablement plus précoce que le mien. Au final, elles se satisfont d'une identité féminine parce que leurs relations sociales leur conviennent en l'état et parce qu'elles ne pensent pas que transitionner vaille le coup pour elles, ne pouvant pas de toute façon correspondre à l'idéal qu'elles ont.

J'ai aussi eu le cas d'une amie qui a trouvé beaucoup de similitude entre mes expériences et les siennes et a été en questionnement quelque temps, pour réaliser finalement qu'elle se sentait limitée dans son expression de genre par une famille sexiste, et qu'elle n'était pas trans, qu'elle avait juste besoin de pouvoir s'habiller/s'exprimer/choisir sa coupe de cheveux etc comme elle le souhaitait. (en gros être féminine à sa façon). Elle a été en questionnement quelques mois avant de s'affirmer de la sorte et je pense que cette introspection l'a dans tous les cas aidée à mieux se connaître et à s'assumer davantage. C'est pour ça que s'interroger sur le fait d'être trans n'est pas une mauvaise chose même si ça ne s'avère pas le cas, il ne faut pas prendre ça pour un engagement quelconque, et ce n'est pas une insulte aux personnes trans ou que sais-je.

On ne peut pas trouver de réponse simple parce qu'on aimerait bien pouvoir se rassurer et être sûr, d'autant que les doutes à ce niveau peuvent faire du dégat (on a beau être trans, on craint de ne pas être légitime, on souffre de manque de reconnaissance, pression sociale, etc). En plus ces fameux risques de se tromper sont exploités pour justifier un contrôle médical et psy de la transition, avec dans le pire des cas des psys qui jouent contre nous et cherchent à ce qu'on prouve qu'on est trans et qu'on mérite notre transition au lieu de nous aider à faire le point sur notre ressenti. Donc, ça serait bien si les cas d'erreur étaient purement leur invention.
Je me demande depuis un moment s'il y a eu des cas de personnes ayant fait une transition médicale qui ont collé un procès à des médecins suite à "une erreur de diagnostic", de par le monde, étant donné que c'est ce que tout le monde (côté médical) semble redouter en se lançant la balle de la responsabilité (qui retombe sur le psychiatre avec l'attestation).

On a tendance à se dire que les gens n'affronteraient pas toutes ces difficultés sans être trans, et ça peut être vrai dans les cas où c'est une lubie passagère issue d'une vision immature du genre "être trans c'est cool et rebelle", mais s'il s'agit d'une réponse à un mal être réel qui a une autre cause, je ne sais pas, ça me parait plus délicat. C'est peut-être pour cette raison qu'il faut insister sur le fait que transitionner ne résoud pas soudainement les difficultés de personnalité qu'on peut avoir (dans mon cas, anxiété, trop d'introspection, manque de continuité). Personnellement j'ai expérimenté une sorte d'euphorie de début de transition qui peut être trompeuse, être heureux de bouger, agir, changer, c'est bien mais il faut prendre garde à ne pas changer pour changer juste parce qu'on n'aime pas ce qu'on est ou la position où on est (socialement, psychologiquement etc). Quand on se sent coincé, la transition peut apparaître comme une soudaine salvation, une chance de changer radicalement et échapper à soi-même.
Il faut cerner la base, ce qui est vraiment lié à notre genre, la façon dont on se perçoit, s'imagine, se reflète chez les autres et comment on réagit à ce reflet. Il y a des sentiments et des perceptions vraiment spécifiques au fait d'être transgenre à ce niveau, qu'est-ce qui sonne juste, sous quel genre nous est il possible de nous aimer, ça me semble important aussi. Pour ma part je ne pouvais pas exister à mes yeux au féminin ; on aurait dit une image cristallisée et rigide dans mon esprit.

C'est sans doute important de se méfier des modèles, des routes toutes tracées, de nos réactions de rébellion et d'opposition, et chercher le chemin qui nous rendra heureux. Mais au final on a des responsabilités vis à vis de nous même, c'est notre vie, et c'est tout. Donc ça n'a pas de sens de culpabiliser vis à vis du risque de se tromper. Il y a un effet pervers de la transphobie ambiante qui est de faire sentir qu'on ne devrait pas changer notre corps ou prétendre à une reconnaissance sociale dans un genre qui n'est pas celui attribué à la naissance, et tout ça est rassemblé dans ce questionnement incessant "tu es sûr-e de ne pas te tromper", comme si en se trompant on commettrait un péché terrible et interdit, qu'on dépassait une ligne à ne pas franchir.

Quelqu'un pourrait vivre une erreur à ce niveau de façon dramatique, surtout si c'est une personne qui se soucie beaucoup de son image auprès des autres. Mais quelqu'un pourrait aussi très bien vivre avec ; tout le monde n'a pas un corps qui colle parfaitement aux genres prédéfinis à la naissance, des accidents arrivent, et si c'est un choix qui a été fait, ça peut très bien s'insérer dans un parcours de vie. Tout le monde se soucie plus de comment on va être perçus que comment on va se percevoir nous même, et si tu apprends un truc en transitionnant, c'est que la seule personne qui décide de ton genre, c'est toi. Je ne savais pas si j'allais apprécier d'avoir de la barbe quand j'ai attaqué les hormones, mais après tout j'ai toujours eu du poil sous les aisselles et j'aime pas ça non plus, c'est pour ça qu'on a inventé les rasoirs.

J'encourage à l'autodétermination et à l'indépendance mais ça va avec la responsabilité et la volonté de faire soi même son introspection. Responsabilité qu'on se doit à soi-même. Comme communauté, c'est peut être délicat de trouver le juste milieu entre vulgariser les possibilités des parcours de transition, ce qui est nécessaire pour se sentir rassurés et soutenus, savoir que d'autres en sont passé par là, et rendre cela "banal" au point qu'on puisse couper court aux multiples questionnements qui sont nécessaires pour chaque étape. Je dis ça, je pense qu'il y a un gros travail accompli pour mettre les infos à disposition et j'ai toujours fait face à une attitude responsable, mais j'ai parfois été un peu alarmé quand j'entends parler de personnes qui ont par exemple commencé les hormones sans savoir les effets qu'elles ont sur l'appareil génital. En fait, ironiquement, un de mes amis les moins informés est en équipe hospitalière...

Pour finir, je crois à une certaine fluidité possible dans le genre au cours du temps, ce qui me fait relativiser la notion d'erreur. Pour moi, une personne incertaine de son genre a peut-être besoin de s'affirmer dans un genre, et construira son identité autour de ses choix. On n'a pas nécessairement la boussole absolue à l'intérieur de la tête, et ce qu'on n'est pas, on le devient aussi par volonté et identification. Parfois, que les choses fassent sens est aussi important que le sacro saint "ressenti". Evidemment qu'il ne faut pas partir dans les extrêmes martel en tête sur un lancer de dés, mais je crois aussi que le plus important c'est de se construire, pas seulement se trouver. On peut faire face à des abysses de vide à chercher une identité au milieu des doutes, quand il faut juste vivre, et faire confiance à notre capacité à nous adapter à notre chemin, celui qu'on décide pas après pas.

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Yaël14
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Re: Peut-on se tromper en pensant être trans ?

Message par Yaël14 » 21 mars 2017 08:01

Merci beaucoup pour toutes vos réponses, je tiens juste à préciser si certains ont mal compris : je ne doute pas de ma transidentité. J'ai pris le temps de la réflexion (3 ans), et je parlais de vouloir devenir un garçon bien avant avoir vu des FtM faire leur transition et devenir plus heureux. Je voulais juste savoir si il y a souvent des erreurs, et j'ai eu les réponses qu'il me fallait donc merci beaucoup de m'avoir éclairé sur la situation ! :D

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