J’ai par ailleurs pas vu ici beaucoup de sujets concernant la transidentité en milieu scolaire, alors j'ai pensé que c’était peut-être pas mal que j’en témoigne, à l’attention éventuellement de celleux sur ce forum qui sont mineur.e.s / scolarisé.e.s et qui pourraient potentiellement vivre la même chose.
(attention, je crois que ce dont je parle concerne exclusivement l’éducation nationale, donc pas les universités, sûr, ni l’enseignement privé il me semble)
Déjà petit rappel de la loi : une circulaire (consultable facilement sur le site internet du gouvernement), émise par Blanquer en 2021, autorise les élèves à utiliser prénoms et pronoms de leur choix au collège/lycée, à savoir que les profs et camarades sont forcés de s’y plier à la condition d’en faire la démarche, avec l’accord des parents, auprès de la direction.
Contexte familial de mon côté, mon père n’est pas au courant encore de ma transidentité, et ma mère fait comme si elle ne l’était pas non plus, donc je n’ai pas de droit à ce changement officiel.
Pour autant, je voulais en parler à ma classe à mon entrée en 2nde. Je précise, mon bahut est réputé safe pour les personnes queer, les élèves s’en foutent, les profs sont habitués (et les rares que ça dérange n’osent pas le dire généralement). Quand j’ai fait mon CO aux élèves de ma classe, en cours, en décembre 2023, la prof avec qui ça s’est passé était donc au courant, elle s’est chargée, avec mon autorisation, d’en informer mon prof principal, et pour finir une autre prof s’est retrouvée au courant à cause d’une gaffe d’une de mes amies. Ces 3 là se sont adaptés d’eux-même sans que je leur demande rien.
Sauf que : un bout de temps après, je suis convoqué par la proviseure, qui me signale je cite : « Au conseil de classe qui vient de passer, je me suis émue du fait que certaines personnes t’appelaient ‘Deadname’, tandis que d’autres [les 3 profs ci-dessus + les délégués] t’appelaient, heu… par un prénom masculin que j’ai oublié » (surtout surtout bien retenir mon deadname mais ne pas faire d’effort pour l’autre, commence bien).
S’ensuit une discussion prise de tête où
1) elle me dit qu’elle peut appeler mes parents et leur dire (heureusement cette même circulaire évoquée + haut l’empêche de le faire sans mon accord, je me suis assuré qu’elle le savait mais elle a quand même insisté)
2) elle me signale qu’elle est mon amie-alliée-soutien, que la porte de son bureau m’est ouverte si besoin (chouette, je sais où aller si je veux encore me faire Deadname/elle en continu pendant 15 minutes)
3) elle termine en disant grosso modo qu’elle va envoyer un mail à tous mes profs pour bien leur rappeler qu’ils « DOIVENT » me mégenrer (autrement dit, engueuler les 3 au courant et m’out aux 8-9 autres, cool)
À cette occasion, j’ai par acquit de conscience soigneusement épluché la ‘circulaire Blanquer’ (j’étais assez remonté), et comme je le pensais, n’y est pas fait mention de mon cas de figure : les élèves demandant à être genré.e.s autrement que leur genre de naissance sans être accompagné.e.s dans leur démarche par les parents ?
À priori, rien n’interdit aux profs à qui je le demande d’accéder à ma requête, mais rien ne les y contraint non plus (c’est la nuance entre ma situation et celle décrite dans la circulaire).
Autrement dit, ce texte qui voulait réglementer le respect de l’identité de genre des élèves plutôt que de le laisser au bon vouloir de chacun n’y parvient PAS (quand bien même c’est textuellement ce pour quoi il prétend exister) : il ne couvre qu’une situation, on fait face à un joli vide judiciaire.
Dans mon cas, ma proviseure a utilisé ce flou pour décréter en gros que c’était tout ou rien, que je n’aurais droit à aucune reconnaissance de mon identité de genre au lycée tant que mon cas ne correspondrait pas strictement aux conditions auxquelles s’applique la circulaire. Dans un sens elle n’a pas tort et j’en ai conscience : le changement ne peut pas être officialisé, faut pas que ça apparaisse à l’écrit. Et je comprends qu’elle se protège pour pas se retrouver en porte-à -faux vis-à -vis de mes parents. Cela dit, la vie c’est pas que du papier (je veux dire que sans parler de l’écrire sur mes copies, mon prénom est utilisé par la classe et certains profs à l’oral, ce dont mes parents n’ont aucune raison d’entendre parler) donc là où elle profite de l’absence de législation, c’est quand elle entend contraindre mes profs à me mégenrer, alors que la loi ne dit en réalité rien là -dessus. (concernant les élèves elle peut rien y faire, tant que j’ai pas de mauvaises rapports avec eux, les relations avec les camarades c’est mon problème)
Ce qui s’est passé par la suite :
Au début je l’avais complètement en travers de la gorge, cela dit j’ai relativisé depuis, je comprends quand même que ma situation est complexe.
Mon prof principal était embêté pour moi, c’est surtout lui et la première prof à qui j’en ai parlé qui s’étaient fait remonter les bretelles. J’ai été clair : je voulais pas leur attirer d’ennui, alors si ils devaient arrêter de me genrer au masculin, qu’ils le fassent.
J’ai eu de la chance :
- mon PP a considéré que si il ne pouvait rien faire concernant le prénom il pouvait en revanche utiliser le masculin car la civilité n’a pas de rapport avec l’identité (pas sûr que son interprétation soit exacte d’un point de vue législatif mais bon ça m’arrange de sa part). (et pour éviter de me deadname, bah il m’appelle pas)
- les 2 autres profs m’ont clairement signifié qu’elles en avaient rien à foutre, elles ont continué avec ‘il’ et mon prénom
En 1ère j’avais toujours 2 de ces 3 profs, j’en ai parlé à mon nouveau PP qui a du faire une gaffe devant la proviseure, s’est pris une volée de bois vert, mais m’a dit limite texto qu’il allait sciemment ne pas respecter sa volonté (

Notez que je ne l’ai dit qu’à quelques uns, dont j’étais sûr qu’ils allaient accepter, ou au moins ne pas me balancer à la direction (pas trop envie de me re faire taper dessus)
Voilà je sais que c’est un peu long pour pas grand-chose, mais j’en arrive au fait : concrètement ce que mon expérience veut dire pour les autres.
Si tu as, en tant qu’élève, entendu parler de la circulaire Blanquer, si tu n’es pas out ou pas soutenu.e dans ta famille, et que tu pensais pouvoir utiliser tes prénoms-pronoms… Spoiler : non.
Attention je ne dis pas que ton identité de genre ne sera jamais respectée par les profs, tu peux toujours leur demander un par un, mais tu ne peux pas demander à l’officialiser, voire, selon la tolérance de ta.on principal.e ou proviseur.e, tu peux risquer la même chose que moi : face au vide législatif, que tu interprètes à ta manière et la direction de l’établissement à la sienne… C’est le plus fort qui gagne, la direction donc.
(J’ai personnellement essayé d’exposer tout ça à ma proviseure, sans lui manquer de respect et en argumentant, mais vu qu’aucun de nous 2 n’avait complètement tort sur la question, elle a voulu avoir le dernier mot et elle l’a eu, je ne pouvais pas lutter)
CELA DIT bien garder en tête que ton établissement n’a pas la possibilité de te outer à ta famille sans ton consentement (mais vérifie qu’ils le savent on sait jamais), c’est déjà ça.
Voilà , je me demandais si d’autres personnes avaient eu affaire à une situation similaire (en tant que prof ou élève d’ailleurs), auquel cas n’hésitez pas à partager, c’est problématique quand même ce trou dans la loi… Par ailleurs si vous avez des questions sur mon expérience personnelle je peux y répondre, même si évidemment le traitement des personnes transgenres varie d’un établissement à l’autre (sur ce point en tout cas vu qu’il n’y a pas de réglementation claire)
Euuuh, c’est tout, je sais pas ? Au revoir ?