Masculinisation du corps et relation de couple

[Lunden]

Bonjour à tous,

Je viens vers vous aujourd'hui pour des témoignages, selon ce que vous avez vécu en couple, avec la masculinisation visible de votre corps. C'est quelque chose qui me fait encore me poser pas mal de questions.
Mais avant tout, je vais un peu expliquer ma situation :

- Je suis en couple depuis 9 ans avec un homme, nous sommes pacsés depuis l'an dernier.
- Il se définit comme attiré physiquement par les femmes, donc "cis hétéro", mais aussi attiré par moi dans tous les aspects, puisqu'il n'est pas seulement tombé amoureux d'un corps, mais aussi d'une "âme".
- Je commence à avoir de la pilosité faciale, et ça m'amuse de voir cela, en ce sens je laisse un peu pousser le tout de temps en temps.
- Mon compagnon m'a avoué que "ça ne marcherait plus mécaniquement", sur le plan sexuel, si j'avais une grosse barbe (ou juste, ça lui "ferait bizarre"). Ce sont ses termes, durant nos discussions, sans animosité.
- Il a extrêmement peur pour ma santé physique, psychique et sexuelle avec la prise de T : il a notamment l'impression que le traitement me rend plus distant de lui, alors que c'est du stress constant que j'ai naturellement (études, travail, logement).

De fait, mon problème réside dans l'interaction avec mon compagnon. Surtout dans les moments intimes. Je crains qu'il ne me désire plus, à cause de la pousse des poils faciaux. Cela m'a davantage frappé une fois, lorsque nous étions dans un instant de couple, mon compagnon m'a caressé le bas du visage (sans rien dire, sans avoir de réaction de dégoût, ou autre). J'ai reculé sa main, ce qu'il n'a pas compris. Je lui ai expliqué un peu plus tard, la raison pour laquelle j'ai fait ça.

Bref.

Je ne sais pas si cela s'est déjà produit pour l'un.e d'entre vous ? Ces appréhensions, cette angoisse ?
Ni lui ni moi n'avons le désir de nous séparer pour une chose aussi "bête". Mais bon, la peur du dégoût de l'autre reste.

Je suis tout ouïe pour vos témoignages, si vous désirez les partager.

Bonne journée à tous !

[couss]

Salut,
Déjà c'est une bonne chose que vous en parliez et que tu prennes en compte ses réactions et son désir. J'ai vécu aussi les mêmes interrogations sauf que de mon côté je suis en couple avec une femme qui se définissait lesbienne. Lorsque nous nous sommes mis ensemble, elle savait que je commencerai la T un an plus tard, nous ne nous sommes pas promis de rester ensemble. Elle craignait beaucoup les odeurs, les poils, les muscles et ma voix. La première fois qu'elle m'a vu avec une barbe faite de mascara, elle a pleuré. Cependant les effets de la T sont très lents, et aujourd'hui ça fait 5 ans que nous sommes toujours ensemble, elle adore ma voix, mon odeur et aime mes poils y compris ma vraie barbe. C'est davantage au niveau social que ça lui fait bizarre d'être perçue comme hétéro, ce qu'elle corrige souvent en rappelant qu'elle a été 15 ans avec une femme auparavant.
Les débuts de transition peuvent créer un peu de distance au début car tu vis de façon très forte et intime cette transition et que tu vis ça beaucoup intérieurement, ça te coupe un peu de l'autre. Nous ce qu'on faisait c'est que c'est elle qui fait mes injections, m'a soigné après la mammec et nous avons tourner pendant un an une vidéo pour chaque mois de T, on y racontait les changements et l'évolution de nos ressentis.
Quant au niveau sexuel, on n'avait aucun modèle donc on a tout inventé et cela a été une grande liberté. La fin de la dysphorie surtout au niveau du torse après la mammec a aussi permis de nous libérer (plus obligé de faire l'amour en t shirt ou dans le noir).

[Lunden]

Nous essayons, autant que possible, de prendre en compte ce que l'autre dit, pense. Après, nous tentons au mieux de réaliser un compromis. Seulement, ça ne passera pas pour tout, et on le sait. Nous savons aussi que l'idée de nous séparer est impensable, et ce malgré déjà de très fortes disputes (pour tout et pour rien, surtout pour des histoires de famille biologique) se sont déjà manifestées.

Je pense que le niveau social gêne un peu mon compagnon, un peu comme ta compagne avec toi. Nous sommes passés de la case "couple hétérosexuel" à "couple homosexuel", alors qu'il n'y a aucun désir d'être catégorisé dans une case plutôt qu'une autre. Ce serait plus simple d'être juste deux personnes qui s'aiment, sont en couple, désirent une vie de famille... Mais le crédo de la vie c'est "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué", on dirait.
Aujourd'hui, mon compagnon arrive cependant à dire, au téléphone par exemple : "Je vous passe mon compagnon, il est plus au fait de l'administratif dont vous parlez...". C'est quelque chose qui était jusqu'alors impensable, et il m'avait dit, plusieurs fois, qu'il n'arrivait pas à me considérer autrement que "sa compagne" ("sa copine", avant notre PACS), mais il semble passé au-delà de ça. De peur de me vexer, et de me mettre mal, j'imagine. Il veut même toujours rectifier les gens, quand ils me disent "Madame"... Même s'il vaut mieux se taire, parfois (non, non, je ne parle pas du tout du fait de se faire attribuer un logement à la tête).

Je ne sais pas ce que peut penser, au plus profond de lui, mon compagnon en ce qui concerne l'aspect purement personnel du couple. J'aimerais qu'on puisse parler vraiment sans aucune barrière. Il m'assure m'avoir fait part de ses peurs profondes, mais il doute de mes envies profondes. Je ne peux pas lui jeter la première pierre, puisqu'il est vrai que je peux être "changeant" dans mes décisions. Notamment sur le fait d'avoir, ou non, une pilosité faciale. C'est quelque chose que j'aime chez lui, pas vraiment chez moi. Pourtant, je trouve ça très drôle de voir mes poils pousser. C'est comme regarder son jardin donner des navets, des carottes ou des patates. De mon point de vue. Pas sûr qu'il comprenne ce que j'ai envie de partager par cette image.

Au niveau sexuel, c'est dingue, mais j'ai l'impression que même dans les couples hétérosexuels, il y a encore pas mal de travail à faire, de modèles à (dé)(re)construire, puisque l'image des corps et de la "possession de l'autre" est un produit de l'humanité qui n'a cessé de croître que dans un sens du "désirée-désirable".
Là aussi, comme toi, je n'ai pas vraiment de modèle. Seulement, je peux aussi dire que je ne me suis jamais considéré dans un rôle plutôt que dans un autre, ou pour dire de façon plus binaire, "dans le rôle de la femme, au lit" (c'est moche comme expression). Toutefois, il est difficile d'inventer, de notre côté. Les cours de SVT ont fait la part belle à la biologie, c'est vrai, mais pas à l'éducation affective. Et comme nous sommes aussi tous deux autistes sans déficience intellectuelle (mais sociale), c'est... Oui, très compliqué.

En tous cas, je suis content d'avoir pu te lire, et d'avoir un point de vue avec ton expérience de couple. Même si elle diffère, sur un aspect, de la mienne, les questions qui se posent restent sur un même ordre d'idée !

[MadDam]

Salut !
C'est un sujet qui m'a beaucoup taraudé (et encore maintenant je l'avoue). Je suis en couple depuis 5 ans avec mon compagnon (pacsé cette année aussi), "cis het". Evidemment ça fait de nombreuses discussions, et beaucoup d'angoisse de mon côté. Socialement, quand je lui demande comment il se sent d'être vu comme un mec gay alors qu'il a toujours été vu comme hétéro et été dans la culture hétéro (car clairement autant j'ai toujours été très proche de la commu queer au début en tant que très "bon allié" puis bi puis trans, autant lui pas du tout), il me dit que ça va et qu'il n'y a aucun soucis. Mais j'ai du mal à le croire.
Et ça résume globalement tous les sujets en fait.. Que ce soit pour le désir face à un corps se masculinisant ou le regard des autres sur notre couple, je peine à le croire quand il me dit qu'il me désirera encore même barbu ou autre.

Je pense que même si c'est dur, quand notre conjoint répond à nos interrogations, se livre, on se doit de croire ce qu'il exprime. De mon côté, à force de douter et d'angoisser, il m'a dit que ça le blessait en fait que j'ai autant de mal à penser que ça peut le faire même s'il est théoriquement "cis het".
Je pense que ce qui est cool c'est vraiment de parler à fond, de partager ce qu'il y a de la tête. En ce moment je pense beaucoup au packing, à ce que ça me ferait, pourquoi ça m'attire, et au bout d'un moment je me suis dit qu'il fallait que je lui en parle, car même si c'est mon corps etc bah son ressenti importe aussi pour moi. Et au début il savait pas trop quoi de dire, puis ça a décanté et on en reparle par fois. Donc c'est un peu de la ptience et de l'écoute des 2 côtés, et d'y aller pas à pas pour de son côté, s'habituer, se faire à l'idée des changements, et du mien calmer mes angoisses en posant les choses et en prenant mon temps.

Clairement y'a tout à inventer, chaque relation est unique, et sans modèle ni beaucoup de témoignages, on a du mal à se dire que ça peut le faire, que "hétéro" ou autre ce ne sont que des étiquettes qui ne reflètent pas la complexité des sentiments, désirs, et trajectoires de vie. Et puis concernant les relations sexuelles bah j'ai l'impression que chaque personne deale un peu avec c qu'il se passe ses envies/désirs du moment, leur communication et les compromis fait pour satisfaire tout le monde. Et puis aussi oser parler d'envies de nouvelles choses à tester avec notre "nouveau" corps, encore une fois d'être patient pour l'autre, car l'autre l'est aussi lorsqu'on se pose des questions pendant des mois ...

Bref ça me fait vraiment plaisir de vous lire, ça donne espoir car j'avoue il y a 2 ans quand je cherchais ce genre de témoignages je tombais souvent sur des témoignages qui finissaient par des ruptures et clairement comme toi, ce n'est pas envisageable du tout pour ""une chose aussi "bête""" non plus !


Et je rejoins aussi ce qui a été dit plus haut, c'est hyper chouette de se faire piquer par son amoureux je me dis qu'il est aussi un peu "responsable" de cette masculinisation et donc complètement ok avec ? et ça permet d'être proche et de partager cette transition qui peut être très intérieure et mettre de la distance.

[Malö]

Salut,

Déjà je trouve ça super que vous partagiez autant, ça fait plaisir de voir que les couples peuvent tenir pendant des transitions de genre avec du dialogue (et d'autres choses bien sur).
C'est top de lire que vous continuez toujours à prendre soin l'un de l'autre et de vos sentiments

J'ai hésité à répondre, parce que mon témoignage ne va pas dans le sens des autres je préfère le dire tout de suite.
On en avait déjà parlé Lunden mais je me dis que ça peut aussi être intéressant pour d'autres personnes.

Alors voilà moi j'étais aussi en couple avec un mec étiqueté cishet (en vérité bisexuel mais bon il aura fallu qu'il me quitte pour assumer c'est drôle, bref.)
On était ensemble depuis presque 2 ans quand j'ai réalisé que j'étais trans. On est restés ensemble 8 mois environ après mon coming out (qui n'était pas clair au début ok j'avoue).
Pendant ces 8 mois je n'étais pas hormoné mais j'avais un passing assez masculin déjà, et des poils au menton (j'en ai retiré à la pince à épiler je regrette aujourd'hui haha), en gros quand e ne parlais pas j'avais du monsieur 1 fois sur 4.
Aussi, j'avais décidé au moins un an plus tôt de ne plus me retirer les poils des jambes ni des aisselles. Cette pilosité le dérangeait, il ne me touchait jamais ces endroits.
On en parlait pas, il était hors de question que je m'épile, lui n'arrivait pas à s'y faire voilà il n y avait rien à dire de plus.
Il me disait ne pas avoir de problème à assumer une identité queer à mes côtés, parfois il m'a soutenu et aidé, parfois il m'a fait reculer. Notre sexualité a été une énorme bouffée d'air, enfin je pouvais être le mec gay que j'avais toujours été. Je peux dire qu'on était assez déconstruits là dessus, on avait trouvé notre équilibre.
Mais petit à petit, en m'assumant de plus en plus son désir à diminué. On en parlait mais on avait pas de solution. Que faire en même temps ? Et je n'avais même pas encore commencé la T.

Quand il m'a quitté (2 semaines avant mon hysté) ça été très dur, horrible même.
Mais d'un autre coté, avec un peu de recul ça m'a aussi largement aidé à avancer dans ma transition et à m'aimer. Quand on est seul dans son intimité on est libre de rêver à ce qu'on veut sans qu'aucun autre avis que le notre compte. C'est très libérateur. Il n y a personne d'autre à satisfaire que soi même, c'est un excellent point de départ pour être bien.
Je trouve ça difficile de se construire comme individu en étant à 2 : est-ce que l'autre va aimer, quelles conséquences ce choix que je fais va t-il avoir sur la relation etc.. En étant seul ce genre de questions ne se pose pas. Il y en a d'autres bien sur ! Et je ne dis pas qu'il faut nécessairement être seul pour avancer, je parle pour mon expérience. Il m'aura fallu être seul pour savoir que je voulais vraiment commencer la T par exemple.
Aujourd'hui je fréquente un gars pansexuel qui n'a aucun problème à toucher mes jambes ou à me caresser le menton. Là aussi c'est libérateur. Comprendre que ce n'est pas mon corps qui est repoussant mais simplement qu'il n'était pas au gout de la personne avec qui j'étais à l'époque.

C'est vraiment une épreuve difficile et toutes les relations n'évoluent pas de la même manière, la mienne s'est terminée à cause de ma transition mais parfois c'est l'inverse qui se produit.
Je te souhaite de trouver ton équilibre et que vos projets puissent aboutir