Militantisme et transition médicale

Relations sociales, acceptation, coming-out...
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Apostrophe'
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Militantisme et transition médicale

Message par Apostrophe' » 04 oct. 2020 10:47

Bonjour !

En ce moment, je me demande beaucoup comment articuler militantisme et transition médicale. J’ai très envie de prendre des hormones, mais j’ai l’impression que ce serait plier face aux injonctions de la société à être conforme, à avoir le corps qu’elle veut qu’un garçon ait ; que ce serait “courber l’échine” devant le cispatriarcat. Je passe mon temps à répéter que les corps des garçons sont multiples et qu’il faut les reconnaître comme tels, mais qu’est-ce que ça vaut si moi-même je me soumets ? Ça me stresse beaucoup, il y a un vrai conflit en moi ; et je sais pas comment le gérer. Est-ce que vous l’avez vécu ? Si oui, comment ?

Dag
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Re: Militantisme et transition médicale

Message par Dag » 04 oct. 2020 13:02

Bonjour,

Je n'ai pas vécu un tel dilemme, mais je m'étais posé pas mal de questions au moment de commencer ma transition.

Pour commencer, j'ai toujours eu l'impression que me soumettre aux standards classiques de la société, serait de ne pas transitionner, ni médicalement ni socialement. Donc le simple fait d'avoir engagé un processus de transition, quel qu'en soit ses composantes, est déjà déjà une forme de transgression.
Et au cours du temps, j'ai aussi beaucoup réfléchi à ce que je voulais faire dans ma transition. J'ai choisi de prendre des hormones, faire une mammec et un CEC, étant arrivé à la conclusion que j'avais besoin des changements pour moi, quand je suis seul chez moi ou en extérieur, en l'absence d'interactions sociales. Je reconnais bien sûr que ces décisions font que je suis socialement perçu comme un mec et que c'est aussi quelque chose que je voulais, même si ce n'était pas ma première priorité. A l'inverse, je ne souhaite pas faire d'opération génitale, en tout cas pas pour le moment, je n'en ai pas besoin pour être confortable avec moi-même.
Du coup, même si mes décisions sont identiques à celles d'autres personnes, j'ai l'impression de suivre mon propre chemin, selon mes modalités et mon rythme.

Il y a des moyennes "physiques" chez les personnes cis qui représentent statistiquement la majorité des gens. On ne peut pas non plus nier qu'il y a des conventions sociales assez fortes pour le comportement, le langage... selon le genre perçu par la société. Mais au-delà de ces normes et de ces conventions, il y a beaucoup de variété, être un homme ou une femme a de multiples facettes et celles-ci sont à géométrie très variable. Et soi-même, on est une personne, un individu avec des désirs propres parmi beaucoup d'autres. Du coup, il est possible de reconnaître et même de promouvoir la diversité tout en assumant sa propre place. Ce n'est pas parce que tu milites que tu as à te censurer sur une envie, un besoin qui n'impacte que toi-même. Par ailleurs, à mon sens, ce serait dommage de se créer d'autres contraintes en essayant justement de dépasser les conventions sociales et physiques de la majorité de la société.

En résumé, je pense, si tu détermines que tu as besoin d'une transition médicale, tu ne renies pas tes opinions politiques sur le genre en général, et ce n'est pas incompatible du tout avec le militantisme. Tu es simplement en train de t'occuper de ton cas particulier.

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Re: Militantisme et transition médicale

Message par genderfucker » 04 oct. 2020 18:02

Salut !
Je me suis beaucoup questionné là-dessus aussi (même si de mon côté, sans vraiment me l'avouer, il me semble que la peur de devoir envisager un coming out à ma famille en commençant les hormones me retenait probablement davantage, en réalité).
D'ailleurs, il s'est passé trois ans entre le moment où j'ai compris que j'étais trans et le moment où j'ai décidé de prendre des hormones.
Ce qui m'a aidé à me lancer, c'est d'avoir discuté avec des personnes hormonées, de lire beaucoup de témoignages de personnes transmasculines, d'une part sur les changements pour se projeter, et d'autre part sur les évolutions du rapport au genre et au corps, et puis d'accepter que c'était trop douloureux pour moi d'être perçu comme une meuf au quotidien.
Enfin, le fait de savoir que les changements étaient progressifs, ça m'a aidé à me dire que si je ressentais que ça n'allait pas dans une direction qui me convenait, je pouvais arrêter à tout moment.

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Re: Militantisme et transition médicale

Message par couss » 04 oct. 2020 19:51

Le but d'une transition c'est de trouver son point d'équilibre. Certaines personnes n'ont pas besoin de prendre d'hormones, et la société ne devrait rien avoir à dire là dessus. D'autres personnes auront besoin de prendre des hormones et la société ne devrait rien avoir à dire là dessus non plus. Le militantisme c'est rappeler c'est deux faits. Mon corps, mon choix et pas besoins de l'avis des autres.
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront.
René Char.

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Re: Militantisme et transition médicale

Message par Killian5 » 05 oct. 2020 11:08

Tu es trans, tu ne pourras jamais te plier à ce que la société veut. Même avec tous les changements du monde, le simple fait d'exister est malgré nous une transgression en soit. Pour moi ne pas se plier c'est parvenir à être heureux. Qu'est-ce qui te rendrait heureux ? Oublie la société, quand tu te regardes dans un miroir, est-ce que tu peux t'accepter tel que tu es ?

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Re: Militantisme et transition médicale

Message par PauSG » 05 oct. 2020 11:21

Je suis d'accord et je me suis posé des questions similaires. Ça m'a pris un certain temps avant de différencier mon ressenti personnel et mes convictions militantes, et surtout d'accepter qu'ils n'avaient pas besoin d'être identiques pour être valides.

Personnellement, je suis assez proche dans mon expression de genre de ce que la société attend d'un homme. Ce n'est pas quelque chose que je choisi ni que je subis, mais c'est qui je suis. Je me rends compte que ça m'apporte un certain nombre d'avantages d'être perçu comme un mec "lambda", mais je ne vais pas me forcer à être quelqu'un d'autre par conviction. Par exemple, pendant longtemps j'ai eu du mal à concilier ma conviction que les opés génitales ne sont absolument pas nécessaires à une transition, et le fait que personnellement je voudrais en faire une. C'est probablement pour ça que ça m'a pris autant de temps de comprendre que j'avais envie d'en faire une, mais je pense quand même que je sauterai le pas dans les prochaines années.

Je pense que ce qui est important c'est de faire attention dans le cadre d'activité militante, c'est de faire attention à sa propre visibilité par rapport à d'autres personnes dont la visibilité est plus nécessaire, et donc savoir se faire petit quand c'est utile. Et aussi savoir mettre en avant des convictions même si elles ne sont pas parfaitement alignées avec ton ressenti perso, parce que je pense vraiment que dans ton action "publique" se sont tes convictions qui ont de l'intérêt et pas ton ressenti, sinon on tombe dans le témoignage qui n'est pas forcément inutile mais n'a pas la même portée.
Le blog de mon parcours: http://transboiramble.blogspot.fr/

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