Axel78, si ça peut te rassurer, tu es loin d'être le seul à ne pas avoir eu conscience tôt de ne pas te sentir femme ; je suis dans le même cas de figure et il y a bien d'autres témoignages allant dans ce sens sur le forum.
Je ne connais pas de FtM en ayant parlé en vidéo, mais je peux te retranscrire ma propre expérience à ce sujet, si jamais ça peut t'aider.
Dans mon cas, je n'étais pas mal à l'aise du tout d'être perçu en fille et j'étais même un stéréotype de la "petite fille modèle" que promeut la société. Aucune trace de dysphorie, rien du tout. Et rien n'aurait pu laisser présager que ça allait changer.
Pourtant, à mon adolescence, un énorme mal-être a commencé à émerger et comme on m'a dit que c'était normal de se sentir mal dans sa peau à la puberté, j'ai pensé que c'était normal, d'autant plus que j'ai un vécu compliqué qui m'a laissé croire un long moment qu'il était à l'origine de ce malaise. À partir de mes 12-13 ans, je m'étouffais quand je me déshabillais et notamment quand je devais me laver car mon corps s'était mis à me dégoûter, je me retrouvais en larmes dès que j'essayais des vêtements car je me voyais comme difforme dans le miroir, en pensant dans un premier temps que les remarques de mes proches sur mon poids avaient fini par m'atteindre, comme j'étais potelé et que ça déplaisait... Je n'avais rien en soi contre ma poitrine, je n'étais pas mal à l'aise d'être en soutien-gorge dans les vestiaires à 13 ans, mais je trouvais qu'elle n'était constituée que de "deux gros tas de graisse inutiles" et je ne comprenais pas son intérêt sur moi. J'ai commencé à la compresser de plus en plus fort au fil des années sans me rendre compte que j'en avais de plus en plus besoin et sans comprendre que j'étais dans l'excès, juste pour me sentir bien et pouvoir penser à autre chose et non pas pour l'esthétique, jusqu'à ce que je réussisse à me blesser et à me priver pendant un moment de toute possibilité de compression. Aujourd'hui (21 ans), je sais que c'est ma dysphorie que veut ça et ma relation avec ma poitrine a beaucoup évolué car le fait qu'elle ne se voie pas pour les autres comme pour moi a pris de l'importance depuis plus d'un an alors que ce n'était pas le cas avant.
De même, je n'ai découvert qu'à partir du moment où j'ai su que c'était possible (à la fin de mes 16 ans) que je voulais une barbe, et j'ai compris aussi que certains des garçons que j'avais aimés avaient également su faire naître en moi une admiration grandissante face à leur aura que je voulais m'approprier car ils étaient exactement ce que j'aurais voulu que les gens voient en me regardant.
Il m'a fallu beaucoup de temps pour démêler le vrai du faux. Comprendre que je me sentais si mal à l'aise et distant des mots "jeune fille" et "femme", que les crises d'étouffement de mon adolescence s'étaient étendues aux moments où je portais des robes ou me retrouvais en contact avec du maquillage alors que je n'avais aucun problème étant petit... Je m'en veux régulièrement que le schéma soit si cliché, mais je ne suis pas en mesure de le contrôler.
Aussi, je n'ai jamais été capable de m'épiler et j'ai toujours eu une sorte de vénération pour ma pilosité qui a toujours curieusement augmenté dans les périodes où je me sentais en adéquation avec ma transidentité. J'ai reçu énormément de moqueries à partir de mes 11 ans à cause de ma moustache et j'étais furieux après moi de ne pas réussir à seulement éprouver l'envie de la raser alors que c'était la solution pour mettre fin à ce harcèlement... J'avais trop besoin de la voir, de la sentir, de la savoir là pour être moi et me sentir bien, même si elle n'a jamais été esthétique. Une fois où ma mère me l'a épilée quand j'avais une dizaine d'années, j'ai éprouvé un énorme vide et beaucoup de colère car elle était comme une part intégrante de mon identité et je me sentais incomplet.
Au fil des années de collège, je supportais également de moins en moins les injonctions à "accepter ma féminité" de la part de mon entourage car j'avais la sensation que personne ne comprenait qui j'étais, alors même que je ne savais pas encore mettre les mots sur tout ce qui m'arrivait. J'appréciais quand les garçons m'intégraient et me disaient l'un des leurs, mais même si je me sentais traité comme un garçon, il y avait encore ce malaise qui me laissait penser que je resterais à jamais "une fille parmi les garçons" alors que je sentais que je n'étais pas une fille (je justifiais ça par l'idée que je n'étais "pas une fille comme les autres" car on me le disait souvent et ça me faisait un bien fou, ou par celle que "j'étais un garçon manqué" parce que je ne savais pas qu'il était possible que je sois un garçon). Je ne me reconnaissais pas dans les rangs des femmes même dans toute leur diversité, pour une raison qui m'échappait... Je ne me sentais pas comme "une fille masculine". Je me suis également rapproché du football à 10 ans alors que je détestais ça, juste pour avoir la sensation que les gens me verraient davantage comme je me sentais en me regardant. Je n'avais pas encore les mots pour me l'expliquer.
En revanche, j'ai toujours adoré ma silhouette et mes hanches ne me posent aucun problème. Je n'ai aucune dysphorie pour la forme de mes jambes, de mes mains ni de ma petite carrure. Aujourd'hui, je compte néanmoins prendre de la testostérone pour me voir tel que je me sens et pour que les gens ne se trompent pas non plus ; pour la barbe, la forme du visage et la pilosité notamment. C'est devenu un vrai besoin. Mes coming out, même si celui fait à ma mère n'a pas été des plus réussis, m'ont permis de me sentir plus en phase avec moi-même car je n'ai plus à mentir ou faire semblant. Je me sens plus en paix. C'est comme ça que j'ai ressenti les choses, mais il y en a évidemment une infinité d'autres et mon témoignage n'est pas à généraliser.
Tout ça pour dire que ce n'est pas parce que nous n'avons pas toujours su/ressenti que nous n'étions pas des femmes que nous sommes illégitimes. Quand bien même tu ne trouverais pas dans ton passé des "preuves de ta transidentité", sache que l'identité de genre est fluide et peut évoluer tout au long d'une vie et que ça ne pose aucun problème que tu te sois éventuellement défini comme fille un jour, que ce soit parce que tu n'avais pas encore les mots pour te dire garçon ou parce que tu n'avais simplement pas le ressenti d'en être un.
Il faut que tu te laisses du temps, beaucoup de temps, que tu réfléchisses un peu à tout ça mais sans trop forcer ni faire une obsession sur le sujet. C'est souvent la clé pour mettre le doigt sur les réponses que tu cherches. J'espère que mon message aura pu t'aider un peu !
Pour Chat, je te souhaite plein de courage pour ton coming out car tu le redoutes vraiment depuis un moment et ça peut être très difficile de se lancer. À toi de voir si tu préfères lire le mot toi-même, si tu préfères que tes parents le fassent, si tu préfères le déposer dans leurs affaires sans savoir le moment précis où ils le liront... Tu dois faire ce qui te semble le plus confortable, ce qui te rend le moins anxieux possible. C'est un mauvais moment à passer, mais je te souhaite qu'il se déroule le mieux possible.
Fais-le quand et comme tu le sens.
Et tiens-nous au courant !