Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Astuces, questionnements et conseils pour passer au masculin sans aide médicale
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Thyriphème
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Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par Thyriphème » 26 déc. 2023 15:02

Bonjour à toustes,
Je suis en pleine introspection/crise existentielle par rapport à mon genre depuis plusieurs mois (en fait ça se compte en années, mais ça s'est intensifié dernièrement), et notamment par rapport à la prise d'hormones, pour avoir une apparence plus masculine.
Je suis AFAB, mais depuis tout petit je me pose des questions sur mon identité de genre. Quand j'étais enfant, je refusais qu'on dise de moi que j'étais une fille, et je voulais être un garçon. Je détestais tout ce qui était lié à l'univers des petites filles. On disait de moi que j'étais garçon manqué, et j'aimais bien car pour moi c'était mieux que d'être une fille. Je ne jouais qu'avec les garçons. Je me demandais toujours ce que ça m'aurait fait d'avoir un sexe de garçon.
Quand ma puberté a commencé, j'ai eu le sentiment d'être trahi par mon propre corps. Quand j'ai commencé à développer de la poitrine (même si elle est petite), j'ai eu le sentiment d'être sexualisée, de quitter le côté androgyne de mon corps d'enfant. Les règles me donnent énormément de dysphorie (et en plus j'ai des problèmes hormonaux donc c'est très handicapant pour moi quand je les ai, j'ai de grosses douleurs et des saignements vraiment abondants). Et je déteste l'idée d'avoir un système reproducteur féminin, c'est-à-dire d'avoir un utérus, l'idée d'être potentiellement fécondable me répugne, la réalité de la grossesse et de l'accouchement encore plus. Pendant des années, j'ai performé une féminité vraiment exacerbée, en me disant que je finirais bien par me sentir à l'aise avec mon genre, que c'était une étape transitoire normale, qu'il fallait juste que je me trouve. Je me maquillais, portais des talons, les cheveux très longs, des vêtements près du corps... et je détestais ça. C'était pour moi un carcan, et enlever tout cet accoutrement à la fin de la journée était pour moi une libération.
Aujourd'hui, j'ai décidé de me genrer au masculin depuis quelques mois et de me donner un prénom masculin, seules les personnes vraiment proches de moi sont au courant. Je me sens mieux comme ça, et en même temps, du coup, quand on me genre au féminin, je ressens plus facilement une forme de malaise qui n'était pas aussi prégnant avant. Le fait d'avoir un prénom masculin auprès de mes proches, mais une apparence féminine et qu'on me genre au féminin à l'extérieur me perturbe.
Et actuellement, je m'identifie plutôt comme non-binaire agenre transmasc. Sauf que voilà, si je ne me "sens" pas homme (quoi que ça veuille dire), que je ne me sens véritablement appartenir à aucun genre et ne me reconnaît pas globalement dans les normes de genre, j'ai de plus en plus le sentiment de vouloir une apparence plus masculine, et ce depuis plusieurs mois. Quand je me regarde dans le miroir, mes traits féminins ne me déplaisent pas, mais ils me "dérangent" quand même. Quand on me genre au féminin, ça me dérange de plus en plus. Je m'habille de façon masculine et je me sens bien comme ça. Quand je marche dans la rue, je m'imagine ressembler à un homme et je me surprends à ressentir de l'euphorie liée à ça. Je me plais à m'imaginer avec des traits masculins, de la barbe, une voix plus grave, et à me dire que je me sentirai beaucoup plus à l'aise pour jouer avec les codes des normes de genre (et de ce qu'on qualifie de "féminin") si je ressemblais à un homme. Par exemple, à l'heure actuelle, je ne me maquille pas, bien que j'aimerais parfois essayer, parce que c'est perçu comme quelque chose de féminin, et le fait que cela renvoie cette image aux gens, et que ça mette alors l'accent sur mon apparence déjà féminine, me gêne. Mes règles me donnent énormément de dysphorie. Ma poitrine est un fardeau et j'aimerais avoir un torse plat. Quand je vois certains hommes dans la rue, je me surprends à les regarder, pas forcément parce que je les trouve beaux, mais parce que je me dis "j'ai hâte de lui ressembler/j'aimerais bien lui ressembler...".
Et pourtant, l'idée de prendre de la T, de voir mon corps changer, de revivre une puberté (avec tous les changements que ça implique, au niveau de l'acné, de la libido...), m'angoisse énormément. J'ai peur de détester le changement et de regretter mon choix, et de regretter mon "ancienne apparence" si je décide de faire une hormonothérapie.
Comment est-ce que vous avez su que vous vouliez commencer à prendre des hormones ? Qu'est-ce qui vous a aidé à vous lancer ? Je me dis qu'on est jamais sûr à 100% de faire le bon choix, mais je pense qu'avoir des pistes m'aiderait. Comment est-ce que je peux savoir si j'ai vraiment envie de prendre des hormones ou pas ? Comment je peux être sûr si je souhaite vraiment une apparence masculine ou bien si ça me va de "juste" passer pour une personne androgyne ?

Et j'ai aussi beaucoup de craintes par rapport à la sphère sociale, notamment la peur d'être perçu comme un homme cis, avec tout ce que ça implique : être perçu comme un prédateur ou un "dominant", me sentir obligé de performer une masculinité qui ne me correspond pas pour me sentir accepté socialement, être moins "aidé" et davantage discriminé si je subis des violences, par exemple... et j'ai aussi cette peur irrationnelle mais viscérale de "devenir" un agresseur, parce que j'ai des traumas liés à des histoires d'agression, et j'ai peur que dès l'instant où je ressemblerais à un homme, j'adopterais malgré moi des comportements toxiques ou dangereux (et une forme de toute-puissance), comme ceux dont j'ai pu être la victime. Je sais bien qu'un homme n'est pas nécessairement un prédateur mais j'ai cette peur d'en devenir un, comme si prendre de la T pouvait changer mon histoire personnelle, ma personnalité et mes valeurs. C'est assez délicat, mais j'ai des traumas liés à des violences sexuelles, et j'ai la peur viscérale d'être perçu comme un prédateur en ayant une apparence masculine, ou, pire, d'en devenir un (je sais que c'est totalement irrationnel mais voilà) dès l'instant où j'entamerais ma transition avec la prise de T. Et j'ai honte d'en parler parce que j'ai peur que ce soit mal interprété, parce qu'au fond je sais bien qu'avoir une identité de genre et/ou une expression de genre masculine n'a rien à voir avec le fait d'être ou non un prédateur, mais j'ai beaucoup de craintes par rapport à ça. Comme si, en décidant de prendre de la T, je me sentais "obligé" de performer une masculinité hégémonique et une forme de toute-puissance, avec des comportements toxiques voire dangereux, en étant influencé par le modèle cis-hétéropatriarcal de base, ou comme si cela me changeait en tant que personne et me transformait en un agresseur potentiel, ou comme si les gens se mettaient à me voir comme tel, dès lors que j'aurais une apparence plus masculine. J'en parle beaucoup avec ma thérapeute, et je sais que c'est très probablement essentiellement avec elle que je dois travailler là-dessus, mais j'espérais aussi avoir des témoignages de personnes directement concernées par cette question, et potentiellement en proie à ces angoisses, pour savoir comment elles auraient pu les surmonter et/ou comment elles ont pu les gérer pendant leur transition. 

Voilà toutes les questions/craintes qui sont présentes en ce moment.
Je vous remercie d'avance pour votre aide et je vous souhaite une belle journée :)

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Wojtek
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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par Wojtek » 26 déc. 2023 19:39

Salut Thyriphème, j'en profite pour te souhaiter la bienvenue sur le forum !

Pour ma part je me définis en tant qu'homme trans. L'adjectif "trans" est très important pour moi pour plusieurs raisons qui rejoignent un peu ce que tu décris. Par ce qualificatif, je mets l'accent sur le fait que j'ai un parcours complètement différent de celui d'un homme cis (pas forcément mieux ni moins bien, juste différent), et donc de ce parcours découle une vision du monde très différente car en tant qu'homme trans, je suis passé par des expériences que ne vivra jamais un homme cis (c'est aussi pour cette raison que j'ai choisi de faire mon changement de prénom mais pas de genre). Dans tes questionnements, je pense que ce point est important.

Du fait de ton parcours, ta masculinité sera forcément différente de celle d'un homme cisgenre, parce qu'être trans (qu'on se définisse comme homme ou non-binaire, ou autre) induit automatiquement des remises en questions, des questions de déconstruction des genres et de leurs rôles sociétaux, des réflexions sur les dynamiques de domination, etc. Quels que soit tes choix concernant la prise d'hormones et les interventions chirurgicales, ils ne changeront pas tes expériences vécues et ton identité profonde. Je ne pense vraiment pas qu'on puisse adopter des comportements qui nous répugnent juste parce qu'à première vue rien ne nous distingue d'un homme cis. Alors oui, il y a par contre le risque d'être mis dans la case "agresseur potentiel" juste en raison de l'apparence, c'est un fait. Mais généralement, cela dure une fraction de seconde, en croisant une personne inconnue. Si tu ne renvoies aucun signe d'un comportement d'agresseur, ni en actes ni en paroles, la personne comprends vite qu'elle a en face d'elle quelqu'un de correct.
Je pense que le truc d'être automatiquement classé au yeux des gens dans la case "homme" et donc nous coller l'étiquette d'agresseur potentiel, c'est l'inconvénient qui va de pair avec un cispassing masculin. On ne peut pas avoir de prise là-dessus puisque c'est un problème sociétal dû à des millénaires de patriarcat.

Je voulais aussi réagir sur la première partie de ton post (pardon je fais tout dans le désordre :D ), concernant tes points de dysphorie et ton hésitation à prendre de la T par peur de le regretter plus tard. Là-dessus, je ne peux évidement pas te répondre autre chose que "c'est propre à chacun". Mais je peux quand même te décrire comment ça s'est passé pour moi.
Comme toi, ma plus grosse source de dysphorie était les règles. Même si elles n'étaient pas du tout douloureuses et peu abondantes, ça me foutait psychologiquement parterre. Et ma poitrine, bien que vraiment petite, me dérangeait aussi, la mammectomie c'était LE truc que j'étais sûr de vouloir faire. J'étais moins sûr pour la T.

Au point de départ de ma transition, en 2011, au moment où je me suis dit "je transitionne ou je reste comme je suis ?", ce qui m'a fait me décider c'est de me poser la question en ces termes : "Dans 10, 20, 30 ans... qu'est-ce que je risque de regretter le plus ? Avoir fait retirer mes seins, avoir une voix grave et du poil au menton, bref un physique de mec, ou bien au contraire n'avoir rien fait et être resté comme je suis actuellement en menant une vie en femme ?". Je n'ai pas eu a réfléchir longtemps, m'imaginer me retourner sur les années écoulées et être toujours socialement une femme est une idée qui m'a semblé insupportable. Je ne me voyais pas vieillir en femme, ni socialement, ni physiquement, ça ne collait pas, et c'est comme ça que j'ai pris la décision de commencer ma transition.
Je ne me considère pas comme non binaire, je me situe quand même très du côté masculin du spectre du genre. Je voulais un cispassing, j'ai eu beaucoup de chance de ce côté, ma première puberté n'a pas fait de ravages, ma morphologie était déjà très androgyne pré-T. C'était pour cela que je n'étais pas certain de prendre de la T, puis j'ai rencontré d'autres mecs trans sous T et ça m'a bluffé. À l'époque il y avait moins de sources d'infos et je n'avais pas imaginé que ça puisse faire autant d'effets. Quand je l'ai commencée c'était pour la voix d'abord, et je me disais que j'arrêterai sans doute une fois la mue effectuée. Mais au fur et à mesure des mois, les changements (parfois auxquels je ne m'attendais pas du tout) m'ont tellement plu et m'ont fait me sentir tellement mieux dans ma peau, que je n'ai finalement jamais arrêté :mrgreen:

Honnêtement, je n'en espérais pas tant. J'avais des espèces de "modèles", des types de physiques que j'aimais beaucoup mais que je pensais inatteignables, mais au fil des années comme je me sentais de mieux en mieux grâce à la T et à la mammec, j'ai eu envie de prendre soin de ce corps tout neuf alors je me suis mis au sport, je me suis forcé à bouffer mieux, etc. Et je me suis aperçu que les choses que je pensais impossibles à avoir, ben en fait grâce à la testo et à mes efforts, je pouvais les obtenir. Donc peut-être qu'il serait intéressant pour toi de mener une réflexion sur ce que tu aimes actuellement chez toi, ce que tu aimerais voir changer, et aussi dans le sens inverse les effets de la T que tu aimes et ceux qui risquent de té déranger.
Pour ma part, la prise de T a boosté ma confiance en moi, et donc a eu pour effet que tout en ayant un style très masculin et punk, je ne m'interdit maintenant rien en termes de fringues ou accessoires que ce soit perçu comme masculin ou féminin je m'en fous. La seule chose qui compte maintenant c'est que ça me plaise. Avant je me serais sans doute posé la question de si ça n'allait pas complètement niquer mon passing, ou si ça n'allait pas remettre en cause ma légitimité à être un mec, ce genre de choses. Aujourd'hui je n'ai plus ces questionnements, ça ne me pose pas de problème de mettre une veste cloutée sur un t-shirt avec une licorne à paillettes, au contraire, ça m'amuse beaucoup et je trouve ça joli. Et c'est peut-être aussi ce genre de détails qui m'éloigne de la case "agresseur potentiel" ;) (Et hop, la boucle est bouclée !)

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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par j3r3mix » 27 déc. 2023 18:38

Je me retrouve dans plusieurs choses que tu abordes : le rapport au système reproducteur, la performance dans le genre assigné, l'intérêt pour les corporalités masc (par souci de ressemblance plus que par attirance), la problématique par contre de ressembler à l'agresseur (pour ma part à cause de certains individus dans ma famille^^)... Ce qui m'a encouragé à passer le cap ? J'ai pesé la certitude de ne pas accepter mon genre assigné, surtout après avoir bieeen essayé de forcer la chose, contre la probabilité de regretter une transition. Sûr vs possible, la T a gagné et bientôt 5 ans (+ mes opérations et CEC) plus tard je vis ma best life:)

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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par Thyriphème » 28 déc. 2023 23:14

Bonsoir à vous deux et merci beaucoup pour vos réponses, qui m'apportent un éclairage nouveau sur ce que je ressens, et me parlent particulièrement :) Je vais essayer de vous répondre point par point (enfin, à peu près haha)

> Wojtek
Salut Thyriphème, j'en profite pour te souhaiter la bienvenue sur le forum !
Merci beaucoup ! J'ai déjà parcouru quelques-uns des nombreux sujets postés dans la catégorie "pré-transition" et j'ai déjà trouvé beaucoup de bons conseils et de ressources ! Et j'espère avec le temps, et quand j'aurais plus d'assurance et de connaissances, pouvoir en prodiguer moi aussi, qui sait :D
Pour ma part je me définis en tant qu'homme trans. L'adjectif "trans" est très important pour moi pour plusieurs raisons qui rejoignent un peu ce que tu décris. Par ce qualificatif, je mets l'accent sur le fait que j'ai un parcours complètement différent de celui d'un homme cis (pas forcément mieux ni moins bien, juste différent), et donc de ce parcours découle une vision du monde très différente car en tant qu'homme trans, je suis passé par des expériences que ne vivra jamais un homme cis (c'est aussi pour cette raison que j'ai choisi de faire mon changement de prénom mais pas de genre). Dans tes questionnements, je pense que ce point est important.
En fait, oui, je n'y avais pas pensé, mais ça fait totalement écho en moi le fait de changer de prénom mais pas de genre. En fait, l'une de mes craintes, je crois, ce serait d'être perçu (à tort, du coup) comme un "homme cis", parce que j'aurais le sentiment que ce serait nier une part importante de mon identité en tant que personne trans/non-binaire. Si je faisais changer mon genre sur un plan purement administratif, pour moi, ça équivaudrait à dire que je serais né "homme" (même si ce n'est pas forcément ce que ça signifie hein) et que ça serait une part constitutive de mon identité, ce qui n'est pas le cas. Et c'est bête, mais du coup, je crois que c'est aussi ça qui me freine dans ma transition : autant je me sens de plus en plus gêné par le fait d'être genré au masculin et de me faire appeler par un prénom masculin alors que j'ai une apparence plutôt féminine (malgré tous mes efforts pour avoir au moins un passing androgyne... mais on me sert du "madame" à toutes les sauces malgré tout haha), autant je ne sais pas comment je me sentirais lorsque mon apparence concordera avec le pronom et prénom que j'ai choisis, parce que, pour le coup (après, je suis conscient que cela peut évoluer), je ne me définis pas comme homme trans, ni même comme homme tout court, et je ne voudrais pas non plus renvoyer cette image-là. Après, j'ai réalisé tout récemment que quand je me projette et que je m'imagine ressembler à un homme, je me vois me réconcilier avec tout ce que l'on qualifie de féminin (le vernis, les motifs floraux, les couleurs plutôt vives, les bijoux...), je me sentirais beaucoup plus à l'aise (en tout cas, je m'imagine l'être), justement parce que, même si cela accentuera un côté "féminin", on ne dira pas pour autant de moi que je suis une femme (et ça me conviendrait tout à fait car ce n'est pas comme ça que je m'identifie haha). Du coup, c'est drôle, mais si à l'heure actuelle je dirais de moi que je suis transmasculin, je m'imagine dans un style (vestimentaire, mais pas que) beaucoup plus "fluide", voire féminin, quand mon apparence sera plus masculine. Est-ce que ça a du sens ? Je sais que chaque personne est différente et qu'il n'y a pas de parcours moins légitime qu'un autre, mais une part de moi s'inquiète car je ne peux pas m'empêcher de trouver ça "bizarre", voire incohérent, de me dire que je souhaiterais transitionner pour avoir un passing plus androgyne, voire masculin, mais qu'une fois que j'aurais atteint ce but, je me sentirais plus libre d'essayer des choses plus "féminines"... peut-être parce que je n'aurais plus besoin de "contrebalancer" mon apparence féminine avec un style masculin, et que je me sentirais alors plus libre ? (je dis ça mais si ça se trouve, j'en resterai à un style très masc, je ne sais pas haha, mais ce n'est pas ce que j'imagine à l'heure actuelle en tout cas)
Du fait de ton parcours, ta masculinité sera forcément différente de celle d'un homme cisgenre, parce qu'être trans (qu'on se définisse comme homme ou non-binaire, ou autre) induit automatiquement des remises en questions, des questions de déconstruction des genres et de leurs rôles sociétaux, des réflexions sur les dynamiques de domination, etc. Quels que soit tes choix concernant la prise d'hormones et les interventions chirurgicales, ils ne changeront pas tes expériences vécues et ton identité profonde. Je ne pense vraiment pas qu'on puisse adopter des comportements qui nous répugnent juste parce qu'à première vue rien ne nous distingue d'un homme cis. Alors oui, il y a par contre le risque d'être mis dans la case "agresseur potentiel" juste en raison de l'apparence, c'est un fait. Mais généralement, cela dure une fraction de seconde, en croisant une personne inconnue. Si tu ne renvoies aucun signe d'un comportement d'agresseur, ni en actes ni en paroles, la personne comprends vite qu'elle a en face d'elle quelqu'un de correct.
Je pense que le truc d'être automatiquement classé au yeux des gens dans la case "homme" et donc nous coller l'étiquette d'agresseur potentiel, c'est l'inconvénient qui va de pair avec un cispassing masculin. On ne peut pas avoir de prise là-dessus puisque c'est un problème sociétal dû à des millénaires de patriarcat.
Une part de moi a tendance à se dire que, ayant vécu en tant que femme pendant 26 ans, j'aurais donc été "dans les deux camps" (c'est très simpliste comme expression mais tu as saisi l'idée je pense haha), j'aurais mon vécu de femme derrière (et avec) moi et c'est sûr que c'est une différence primordiale par rapport aux hommes cis. En fait l'une des choses que je redoute le plus, c'est le regard des gens (qui est là quoiqu'on fasse, de toute façon, on est bien d'accord), et j'ai peur de mal gérer ce changement de regard, de la part des inconnu.e.s, mais même de la part de mes proches : j'ai vraiment cette peur d'être perçu différemment, et de ne pas trouver ma place en fait. Je n'arrive pas à la trouver en tant que femme, et j'ai peur qu'en étant perçu comme "homme", mon sentiment d'inappartenance et d'inadéquation sociale soit encore plus marqué, alors que c'est précisément de ce sentiment-là dont je voudrais parvenir à me défaire. J'ai peur, même avec la transition, de ne pas réussir à me trouver comme je l'espère, voire de me perdre encore plus... Je m'éloigne beaucoup du sujet de ton paragraphe je pense, mais j'écris comme ça me vient aussi x)
Comme toi, ma plus grosse source de dysphorie était les règles. Même si elles n'étaient pas du tout douloureuses et peu abondantes, ça me foutait psychologiquement parterre. Et ma poitrine, bien que vraiment petite, me dérangeait aussi, la mammectomie c'était LE truc que j'étais sûr de vouloir faire. J'étais moins sûr pour la T.
Au point de départ de ma transition, en 2011, au moment où je me suis dit "je transitionne ou je reste comme je suis ?", ce qui m'a fait me décider c'est de me poser la question en ces termes : "Dans 10, 20, 30 ans... qu'est-ce que je risque de regretter le plus ? Avoir fait retirer mes seins, avoir une voix grave et du poil au menton, bref un physique de mec, ou bien au contraire n'avoir rien fait et être resté comme je suis actuellement en menant une vie en femme ?". Je n'ai pas eu a réfléchir longtemps, m'imaginer me retourner sur les années écoulées et être toujours socialement une femme est une idée qui m'a semblé insupportable. Je ne me voyais pas vieillir en femme, ni socialement, ni physiquement, ça ne collait pas, et c'est comme ça que j'ai pris la décision de commencer ma transition.
Alors, pour le coup, j'ai gardé en tête cet exercice de visualisation dont tu parles, d'essayer de s'imaginer vieillir, mais j'avoue que je n'arrive pas à me projeter. Là, actuellement, j'identifie très nettement que je ressens énormément d'euphorie quand je vois des vidéos d'hommes trans et/ou de personnes transmasc qui racontent leur parcours, montrent l'évolution de leur corps, et je me surprends parfois à me dire "oh lala j'aimerais trop lui ressembler" (pareil quand je croise un homme dans la rue et que son physique me "parle", pas au sens d'une quelconque attirance, mais par rapport à ce que je projette et ce à quoi je m'imagine ressembler). Mais je pense que mon cas est particulier, parce que je ne me vois pas vieillir tout court, en fait. Ni en femme, ni en homme. L'idée de la vieillesse m'effraie et me répugne totalement, et honnêtement, j'ai beaucoup de mal à m'imaginer au-delà de 40 ans (mais à mon avis, ça, c'est encore un autre sujet hahaha). Après, peut-être qu'en réessayant cet exercice de visualisation au quotidien, ça peut débloquer quelque chose.
Honnêtement, je n'en espérais pas tant. J'avais des espèces de "modèles", des types de physiques que j'aimais beaucoup mais que je pensais inatteignables, mais au fil des années comme je me sentais de mieux en mieux grâce à la T et à la mammec, j'ai eu envie de prendre soin de ce corps tout neuf alors je me suis mis au sport, je me suis forcé à bouffer mieux, etc. Et je me suis aperçu que les choses que je pensais impossibles à avoir, ben en fait grâce à la testo et à mes efforts, je pouvais les obtenir. Donc peut-être qu'il serait intéressant pour toi de mener une réflexion sur ce que tu aimes actuellement chez toi, ce que tu aimerais voir changer, et aussi dans le sens inverse les effets de la T que tu aimes et ceux qui risquent de té déranger.
A l'heure actuelle, je sais que je ne souhaite pas spécialement un "cis-passing", pour l'instant j'aimerais plutôt tendre vers l'androgynie, mais androgynie avec quand même des traits plus masculins. Je sais que j'aimerais bien avoir une voix plus grave, de la barbe (bon, la barbe, ça prend du temps, je sais hahaha), ou en tout cas de la pilosité faciale, être un peu plus musclé... Après ce qui me fait peur, ce serait d'avoir trop de pilosité à mon goût (car je suis très brun, et pour une femme, j'ai une pilosité plutôt prononcée, et j'avoue que je ne sais pas si j'aimerais en avoir encore plus haha), et la pousse du dicklit, ça c'est LE truc qui me fait angoisser. J'ai lu beaucoup de témoignages, regardé des vidéos, vu des photos et des schémas... mais comme la pousse varie en fonction des gens, je n'arrive pas à imaginer à quoi cela pourrait ressembler chez moi, et du coup ça me fait paniquer. J'ai peur de détester. Et comme c'est un effet irréversible...
Pour ma part, la prise de T a boosté ma confiance en moi, et donc a eu pour effet que tout en ayant un style très masculin et punk, je ne m'interdit maintenant rien en termes de fringues ou accessoires que ce soit perçu comme masculin ou féminin je m'en fous. La seule chose qui compte maintenant c'est que ça me plaise. Avant je me serais sans doute posé la question de si ça n'allait pas complètement niquer mon passing, ou si ça n'allait pas remettre en cause ma légitimité à être un mec, ce genre de choses. Aujourd'hui je n'ai plus ces questionnements, ça ne me pose pas de problème de mettre une veste cloutée sur un t-shirt avec une licorne à paillettes, au contraire, ça m'amuse beaucoup et je trouve ça joli. Et c'est peut-être aussi ce genre de détails qui m'éloigne de la case "agresseur potentiel" ;) (Et hop, la boucle est bouclée !)
Hahaha je me reconnais très bien dans ce que tu écris, justement. A l'heure actuelle, je me surprends à me dire "ah non, même si tu aimes ça, ne le mets pas parce que ça fait trop féminin...", alors que j'ai vraiment le sentiment qu'une fois que j'aurais un passing plus masculin, je pourrais tout essayer sans me priver (enfin en tout cas, quand j'aurais effectué le travail psychologique nécessaire pour dépasser ma peur du regard des gens ^^')


> j3r3mix
Je me retrouve dans plusieurs choses que tu abordes : le rapport au système reproducteur, la performance dans le genre assigné, l'intérêt pour les corporalités masc (par souci de ressemblance plus que par attirance), la problématique par contre de ressembler à l'agresseur (pour ma part à cause de certains individus dans ma famille^^)... Ce qui m'a encouragé à passer le cap ? J'ai pesé la certitude de ne pas accepter mon genre assigné, surtout après avoir bieeen essayé de forcer la chose, contre la probabilité de regretter une transition. Sûr vs possible, la T a gagné et bientôt 5 ans (+ mes opérations et CEC) plus tard je vis ma best life:)
Coucou j3r3mix, ton message me rend heureux pour toi (et me rassure aussi haha) ! Si ce n'est pas trop indiscret ni trop intime, quand tu dis "forcer la chose" par rapport à l'acceptation de ton genre assigné, c'est allé jusqu'à quel point ? Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, tu t'es dit "nope, c'est pas pour moi, j'arrête" (c'est dit de façon très schématique mais voilà haha) ? Car cela fait partie des questions que je me pose aussi : est-ce qu'il ne faut pas "juste" que je trouve une nouvelle forme de "féminité", d'être en tant que femme, qui me parlerait ? Est-ce que faire une transition hormonale ce n'est pas un peu trop "extrême", est-ce que j'ai vraiment tout essayé avant ? Et pourtant, là, dans ma vie, j'ai le sentiment d'en être arrivé à un point où me dire que je suis "une femme masculine" ne me suffit plus, qu'il me manque "quelque chose". Ou plutôt, que la perspective "d'être femme" me dérange. Je repense à la phrase d'Océan dans son reportage que j'avais regardé sur youtube. Je me souviens que, lorsque je l'avais regardé la première fois, et qu'il avait commencé son discours en disant "J'en ai assez d'être une femme", je m'étais dit que cette phrase était trop extrême pour moi, que ce n'était pas ce que je ressentais, que ça n'allait quand même pas jusque-là. Sauf que, petit à petit, plus ou moins consciemment, l'idée a fait son chemin, et quand j'ai revu le reportage, plusieurs mois après, cette même phrase a fait "TILT" dans ma tête. J'ai eu l'impression qu'en fait, c'était toujours ce que j'avais ressenti. Et j'ai eu un peu ce sentiment lors de ma dernière relation de couple, avec une personne AMAB qui s'identifiait comme non-binaire, et cultivait un style vestimentaire masculin mais avec des éléments très féminins, dont du maquillage par exemple, ou des jupes parfois. Et j'ADORAIS son style, mais j'avais le sentiment de ne pas pouvoir l'essayer, d'être privé de la liberté de le faire malgré mon envie, parce que tous ces éléments féminins m'auraient ramené à mon identité et à mon apparence physique de femme, et ça ne concordait pas avec ce que je voulais.

Sans indiscrétion, c'est quoi le CEC ? J'ai cherché sur internet et je n'ai trouvé que "Compte Engagement Citoyen", et le site de l'Eglise Catholique du Vatican... j'imagine que ça n'a rien à voir ? Hahaha

En tout cas, merci encore pour vos réponses qui m'apportent beaucoup :)

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camille59
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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par camille59 » 29 déc. 2023 11:33

Salut
CEC = Changement Etat Civil.
En gros c'est administratif.
Généralement faire son CEC ça consiste à faire changer le genre sur tes papiers officiels. Permis de conduire, carte identité, carte vitale. Changer la fameuse lettre F pour M.
Ca peut aussi être juste changer de prénom de manière officielle sur tes papiers.
Ou changer les deux. Prénom ET genre.
Tu peux faire changer tes prénoms sans changer de genre, ou inversement (plus difficile cependant)
Tu peux faire la démarche en 2 fois (prénom, puis quelques mois plus tard ou années, le genre) ou tout faire en même temps.
Pour "juste" changer de prénom, la mairie suffit. Pour le CEC, faut passer au tribunal. Gratuit, pas besoin d'avocat. Juste faire un dossier.. tu trouveras plein d'exemple ici si tu veux faire tout ça.

Ou tu peux aussi ne rien changer du tout.. avoir un prénom féminin que tu gardes etc.. ou un prénom masculin que tu utilises juste avec ton cercle social privé.
Cest assez rare quand même. Surtout si tu es hormoné.. car ça pose souvent problème, surtout si tu as un bon passing, une barbe etc et que tu t'appelles Juliette par exemple, ça peut-être emmerdant selon les situations... chacun fait comme il l'entend, selon l'énergie à disposition pour gérer tout ça...
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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par Wojtek » 29 déc. 2023 11:42

Thyriphème a écrit : ↑
28 déc. 2023 23:14
Sans indiscrétion, c'est quoi le CEC ? J'ai cherché sur internet et je n'ai trouvé que "Compte Engagement Citoyen", et le site de l'Eglise Catholique du Vatican... j'imagine que ça n'a rien à voir ? Hahaha
Je me permets de te répondre, le CEC c'est l'acronyme qu'on utilise pour "Changement d'État Civil". Quand on parle de CEC, c'est généralement pour désigner la procédure de changement de genre sur les papiers d'identité (sinon on parle simplement de changement de prénom).
Thyriphème a écrit : ↑
28 déc. 2023 23:14
A l'heure actuelle, je sais que je ne souhaite pas spécialement un "cis-passing", pour l'instant j'aimerais plutôt tendre vers l'androgynie, mais androgynie avec quand même des traits plus masculins. Je sais que j'aimerais bien avoir une voix plus grave, de la barbe (bon, la barbe, ça prend du temps, je sais hahaha), ou en tout cas de la pilosité faciale, être un peu plus musclé... Après ce qui me fait peur, ce serait d'avoir trop de pilosité à mon goût (car je suis très brun, et pour une femme, j'ai une pilosité plutôt prononcée, et j'avoue que je ne sais pas si j'aimerais en avoir encore plus haha), et la pousse du dicklit, ça c'est LE truc qui me fait angoisser. J'ai lu beaucoup de témoignages, regardé des vidéos, vu des photos et des schémas... mais comme la pousse varie en fonction des gens, je n'arrive pas à imaginer à quoi cela pourrait ressembler chez moi, et du coup ça me fait paniquer. J'ai peur de détester. Et comme c'est un effet irréversible...
Beaucoup de points abordés, c'est intéressant ce que tu développes. Comme tu le sais déjà, la prise de T a des effets, mais il est impossible de contrôler lesquels vont apparaître ou pas. Alors parfois la solution est une prise de testo assez faible, ou sur du court terme. Même de cette manière on ne peut pas choisir les effets qui surviendront mais c'est une option choisie par beaucoup de personnes souhaitant un physique plus androgyne tendant vers la masculinité.

Côté pilosité, on a peut-être le même schéma toi et moi. Ado, j'avais déjà du poil (foncé) aux avant-bras, un léger duvet de moustache et dans le cou. Ça m'a valu quelques séances d'épilation laser sur le visage quand j'avais 13 ou 14 ans, alors quand j'ai commencé à prendre de la T j'avais peur que ce soit un peu foutu de ce côté (la pilosité était un aspect que je voulais). Mais pas du tout en fait, et les poils ont été un des premiers effets qui est apparu, en même temps que la mue de la voix. Ça n'est pas apparu d'un coup, ça s'est fait sur des années (tant au niveau du nombre de poils que de leur épaisseur), mais les poils dans le dos sont arrivés en dernier :? (j'aime pas donc je rase et ça se passe très bien).
En cas d'arrêt de la T, généralement la pilosité régresse un peu (poils plus fins et moins nombreux) mais impossible de dire dans quelle mesure, c'est au cas par cas forcément.
Pour la pousse du dicklit c'est pareil, ça se fait progressivement, tu te retrouves pas avec une knacki du jour au lendemain :lol: Mais je comprends que ça puisse être angoissant, le truc de "pas de retour en arrière possible une fois qu'il a poussé" c'est clairement un point important à mettre dans la balance.

Aussi, ton message me rappelle un passage qui a je pense beaucoup joué dans ma transition. Alors c'est peut-être un peu hors sujet mais ça peut éventuellement t'aider dans tes questionnements.
Avant même de prendre conscience que j'étais trans, vers les 17-20 ans, je me définissais comme lesbienne, avec un style très masculin. À cette époque je suis tombé, sur un site de rencontres lgbt, sur le profil d'une personne identifiée comme femme mais avec une apparence que j'avais beaucoup de mal à associer au genre féminin. Ça m'avait vraiment choqué (mais pas dans un sens péjoratif, juste j'étais sur le cul quoi), et beaucoup interrogé.
Quelques temps plus tard j'ai retrouvé le témoignage de cette personne sur un autre site (rien à voir avec un site de rencontre ni le thème lgbt), qui disait être un mec trans et racontait un peu sa transition (prise d'hormones et mammec), photos à l'appui. Le physique déjà très masculin pré-T s'était encore masculinisé, et c'était la première fois que je voyais un torse de mec trans post-mammec. J'étais littéralement en admiration, et fasciné par les photos du gars. Je savais que c'était pas une attirance amoureuse ou sexuelle mais j'ai pas du tout conscientisé à ce moment là que j'aurais voulu lui ressembler, et faire ce genre de parcours. Mon cerveau n'a même pas envisagé cette possibilité, parce qu'inconsciemment je m'en sentais totalement incapable. J'en étais pas là du tout dans ma tête. Mais ça a fait son chemin sans que j'y pense vraiment et au moment où dans mon esprit quelque chose s'est débloqué et m'a ouvert la pensée de faire une transition, c'est sans doute ce qui a fait que mon temps de réflexion a été très court (5min :lol: )

Tout ça pour dire que les questionnements évoluent vraiment beaucoup au fil du temps, et parfois on en a même pas conscience. Tu sembles pour le moment avoir besoin d'un temps de réflexion, et c'est une bonne chose, ce processus est super important. J'espère en tous cas que le forum t'aidera à y voir plus clair sur ce que tu souhaites faire et trouver les réponses aux questions que tu te poses. Te faire accompagner psychologiquement par un•e porfessionnel•le peut aussi être une bonne chose pour avancer. Bien sûr pas par n'importe qui (malheureusement beaucoup de psy sont assez nuls sur les questions de genre et de transidentité mais il y a également des pro très compétents et bienveillants).

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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par Killian5 » 01 janv. 2024 19:00

J'avais commencé un pavé mais c'est vraiment trop long car tu soulève des points importants et en plus ça a planté, alors pour aller à l'essentiel :

Laisse toi du temps. Un ressenti à un moment donné n'acte pas forcément une identité définitive.
C'est en identifiant tes besoins et en les expérimentant que tu trouveras qui tu es, pas l'inverse.

"Comment est-ce que vous avez su que vous vouliez commencer à prendre des hormones ? Qu'est-ce qui vous a aidé à vous lancer ?"

La certitude que si je ne le faisais pas, j'allais finir par me suicider au bout d'un moment.
J'ai commencé ma transition en me disant que j'étais transmasculin et que je voulais d'abord essayé la testostérone et que si ça fonctionnait pour moi, je ferais une mammectomie, je changerais de prénom et je m'arrêterais là. Avant ça, j'ai oscillé pendant 5 ans entre me considérer comme femme et non binaire. Il y a eu un moment peu avant de commencer la testostérone où j'ai définitivement cessé de m'identifier comme une femme.
Aujourd'hui 3 ans après je suis engagé dans une transition totale, je commence les srs (chirurgie de réassignation sexuelle) dans 2 mois et je m'identifie comme homme cis lol. J'ai commencé à 30 ans après une vie de déni alors maintenant je veux tout faire le plus vite possible et je sais précisément ce que je veux et qui je suis ; mais ça m'a pris des années pour en arriver là. Même si je date le début de ma transition avec la première prise d'androtardyl, le long processus de questionnement n'a pas été négligeable et c'est peut-être au final l'étape la plus importante.

"Et j'ai aussi beaucoup de craintes par rapport à la sphère sociale, notamment la peur d'être perçu comme un homme cis, avec tout ce que ça implique "
C'est effectivement un point à prendre en compte. C'est vrai que ça me manque de ne pas pouvoir partager une certaine complicité avec des femmes (autres que mes amies), car j'ai choisi de vivre en stealth notamment au boulot (sans dire à personne que je suis trans). Au quotidien on part du principe que je ne comprends pas le vécu féminin et ça change mon rapport avec les gens. Cela dit, c'est mon choix. Outre que j'ai pas envie de me taper la transphobie et être le trans de service, ça me rendrait trop malheureux d'être renvoyé à mon passé.

Cela étant je suis out auprès des ami.e.s rencontrés dans les milieux féministes et trans. Dans ces milieux là tu peux évoluer en étant toi même sans être assigné homme cis. C'est justement pour ça que j'y vais de moins en moins, ça me rend dysphorique.

Ça m'a fait un choc la première fois qu'une femme a eu peur de moi la nuit dans la rue. Maintenant que j'ai expérimenté les deux genres socialement, ma vision est moins binaire qu'auparavant. J'avais de la misandrie intériorisée. A l'heure actuelle je comprends mieux les strates et nuances qu'il y a, c'est plus complexe que homme = dominant. J'ai pas tellement gagné de privilèges en transitionnant. Que ce soit en tant qu'homme trans ou en tant qu'homme gay. Sur certains aspects, c'était plus facile d'être une femme. Avant j'avais peur de me faire agresser sexuellement, maintenant j'ai peur de me faire tabasser. Ce sont des choses dont je n'avais pas conscience avant de transitionner.
Donc non la testostérone ne te transformerait pas magiquement en c*nnard. Et ton vécu te permet une vision d'ensemble plus poussée.

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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par アレクサンドル » 03 janv. 2024 21:31

Bonjour,

Désolé de répondre une semaine plus tard. Je me suis dit que je pourrais peut-être calmer ne serait-ce qu'un peu certaines de tes angoisses en te partageant mon expérience avec la T.

Je me reconnais beaucoup dans ce que tu dis par rapport au rejet des organes reproducteurs, le dégoût à l'idée d'être fécondable, etc. Pendant longtemps, ça et d'autres choses ont été la source d'une dysphorie intense chez moi. C'est en m'affirmant, en commençant à porter un binder, en faisant mon coming out que j'ai trouvé une forme d'apaisement. Je n'étais toujours pas parfaitement à l'aise avec mon corps, mais il ne me dérangeait plus autant. C'est donc au moment où la "douleur psychologique" était beaucoup retombée que j'ai eu la possibilité d'entamer une transition hormonale.

Prendre de la T, c'est quelque chose que j'ai ardemment désiré à la minute où j'ai appris que ça existait. J'ai trouvé les effets hallucinants et j'ai tout de suite su que c'était fait pour moi. Et pourtant, ça ne m'a pas empêché d'avoir des doutes quand la perpective d'en prendre est devenue plus concrète. J'avais peur de me confronter aux médecins, peur de trop changer et de ne plus me reconnaître, peur de réaliser que j'avais tout fantasmé et qu'en vérité je ne voulais pas muer ni avoir de barbe. Alors je me suis demandé si ça valait vraiment la peine de m'infliger cette épreuve puisque j'arrivais déjà à vivre sans trop souffrir. Mais au fond de moi, je savais que je le regretterais si je ne le faisais pas. Je préférais, au pire, me rendre compte que je m'étais trompé plutôt que de ne jamais me lancer.

Aujourd'hui, ça va faire un an que je suis sous testo. Il y a eu pas mal d'effets, j'en suis très heureux, et en même temps je n'ai pas la sensation d'avoir tant changé que ça. Je crois que les évolutions qu'on peut voir en vidéo nous donnent la fausse impression que le changement est rapide et spectaculaire parce qu'elles condensent plusieurs mois en quelques minutes. En réalité, c'est tellement progressif qu'on est souvent impatients d'avoir plus de résultats. Je suis sous Androgel, c'est une méthode qui est en principe plus douce pour le corps que les injections : on applique une petite quantité chaque jour au lieu de balancer une grosse dose d'un coup dans l'organisme. Du coup, j'ai à peine senti l'arrivée de la testostérone en moi (des fringales, une libido légèrement plus présente avec la poussée du dicklit, plus d'énergie, mais ç'a été l'affaire d'un mois et certaines sensations étaient peut-être juste dues à l'excitation et à la joie d'avoir enfin atteint mon objectif). Au bout de quelques mois, je m'étais même inquiété auprès de mon endoc parce que j'avais l'impression d'être "en retard". Elle m'avait répondu que ce qu'on voyait sur les réseaux déformait la réalité et que je n'étais pas du tout à la traîne comparé à ses autres patients. Bien sûr, on a tous notre propre rythme et d'autres personnes ont sûrement vécu les changements avec moins de douceur que moi, mais je voulais dire que ce n'était pas nécessairement un gros bouleversement. On a le temps d'apprivoiser les nouveautés et de prendre conscience de si on les aime ou pas avant qu'elles se soient définitivement installées. Une chose est sûre, je suis toujours moi-même.

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Re: Angoisses pré-transition et hormonothérapie (TW mention de traumas violences sexuelles)

Message par j3r3mix » 06 janv. 2024 18:58

@Thyriphème, désolé de répondre si tard. Par forcer les choses j'entendais plusieurs choses. Je précise que je vivais dans un environnement et une génération pas ouverts du tout sur les questions LGBT. C'est important à savoir, parce que la suite va sonner clichés bien tradi, mais je n'avais pas encore déconstruit tout ça.

Au début, je ne savais donc déjà pas que la transidentité existait, c'était de la science-fiction dans mon esprit. J'ai donc essayé de me convaincre que j'étais fou, qu'il s'agissait d'un délire passager.

Je ne supportais pas les vêtements dits "fem", et je n'en portais d'ailleurs jamais depuis l'école primaire sauf obligation sociale (céremonie ou autre où les parents ne laissaient pas le choix), mais je me suis mis à essayer de me forcer à en porter.

Je savais déjà que je m'intéressais aussi bien aux filles qu'aux garçons, mais j'ai voulu performer une sexualité cishet au point de prendre des risques dans mes pratiques (j'ai eu de la chance de ne rien choper).

Dans le genre auto-destructeur *je ne vais pas rentrer dans les détails pour ne trigger personne, mais je me suis aussi fait du mal physiquement autrement pour essayer d'évacuer ce qui était en fait... moi. Maintenant je me marque encore, mais artistiquement avec mes tatouages, qui sont thérapeutiques autant qu'ornementaux:)

Pour ton autre question, bien sûr que la transition n'est pas la réponse à tout, que tu peux aussi trouver un équilibre ailleurs sur le spectre masc~fem. Pour ma part, et ça rejoint le dernier point que j'abordais, quand j'ai vu que plus ça allait plus mes idées noires se renforçaient ça a fait tilt. C'était devenu une certitude, soit je transitionais soit je mettais fin à tout.

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