Questionnements, manque de légitimité, changements corporels et peur de coming out

Relations sociales, acceptation, coming-out...
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kreuk
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Questionnements, manque de légitimité, changements corporels et peur de coming out

Message par kreuk » 16 oct. 2023 10:19

Bonjour tout le monde,



Je me suis enfin décidé d'écrire ce (très long) message, après de nombreuses heures à passer sur ce forum depuis déjà pas mal de temps. Les témoignages m'ont vraiment beaucoup aidés dans l'acceptation de ma transidentité donc je me suis dit que raconter mon parcours permetera peut-être à certains de s'y retrouver aussi. Je suis également en plein questionement et spirales en ce moment et les mettre sous forme écrite pour avoir un retour extérieur m'aiderait beaucoup.



Je me suis toujours senti assez éloigné de la féminité en général, même si maintenant j'adore les "trucs de fille", j'ai passé une bonne partie de ma vie à juste être misogyne et not like the other girls. J'ai également un style vestimentaire assez masculin en plus du combo poils aux pattes et cheveux courts, et c'est un peu comme si je repoussais les limites de la féminité rien quand existant et que j'étais pas sorti de ma phase garçon manqué à l'école primaire. J'ai essayé de prendre du plaisir et de la fierté dans le fait d'être une femme "en marge" mais l'aliénation liée à la féminité et l'appel d'un corps masculin étaient juste trop forts.

La peur de perdre quelque chose pour devenir un truc un peu incertain qui me fait un peu peur (homme) m'a longtemps empêché d'avancer. Mais le fait d'avoir compris que les parcours de transition étaient tous super personnels et que les masculinités étaient tellement diverses et ne rejettaient pas forcément en bloc la féminité m'a vraiment permis de m'accepter et d'accepter surtout mes doutes et incertitudes qui n'empêchent aujourd'hui pas l'action et le changement. J'ai toujours essayé de cacher au max mon coprs de femme, j'aimais pas que ça se voyait. Le projet de pouvoir juste exister sans me courber tout le temps pour cacher une poitrine, de pas avoir une voix qui me trahit, de pouvoir sortir sans avoir un coup de culpabilité parce que t'es poilu me rend tellement heureux maintenant. Je suis trans et y a juste tellement de possibilités qui s'offrent et l'avenir est joyeux.



Après avoir lu pas mal de témoignages, je me rend compte que beaucoup de personnes ne se sentent pas légitimes dans leur existence et parcours et c'est aussi mon cas. Mais d'une manière assez rigolote : j'ai décidé (en tout cas pour le début de ma transition) de ne pas passer par des instances médicales le plus possible. Donc je prend de la T, mais avec mon meilleur ami. Lui en prend depuis 3-4 ans, on ne prend pas des grosses doses comme on est des petits gabaris et pour l'instant tout baigne, je fais super attention à comment mon corps réagit pour éviter le surdosage etc. Je prévois aussi une mammec mais avec la possibilité de la faire sans attestation de qui que ce soit. Je pense que ça vient en partie de la facilité et de la disponibilité immédiate de la chose mais aussi d'un gros manque de légitimité dans ma transidentié.

J'ai juste trop peur qu'on me dise que je ne suis pas assez trans car j'ai pas assez de "preuves" de transidentité parce que je n'ai pas fait mon coming out et que je n'ai pas de certidude d'être un mec. Ca veut pas dire que rien n'a changé socialement pour autant : aujourd'hui, je me genre au neutre et au masculin et je n'ai pas vraiment envie de retourner en arrière. Je teste aussi d'autres prénoms qui font un peu moins fille et c'est fun. Mais à part mon cercle d'ami proche, tout le monde me genre au féminin, m'appelle par mon prénom de carte d'identité et ne sait rien.



Je vois beaucoup de monde faire le parcours inverse : se dire homme/transmasc soit-même, le dire aux autres et ensuite entammer une transition médicale "dans les règles". Mais je crois que c'était impossible pour moi de me voir comme ça. J'ai envie et besoin de changer mon corps en le masculinisant mais mon identité est pas forcément au centre de ma transition. Je pouvais plus faire du sur place du coup j'ai décidé de commencer par là où j'étais au moins sûr de moi. Je ne suis pas sûr d'être un mec ou non-binaire transmasc, c'est juste le chemin corporel vers lequel je me dirige donc je me prépare en avance pour que ce soit plus pratique. Et aussi ça me fait super plaisir de pouvoir exister en temps qu'autre chose qu'une femme.

J'ai aussi cette idée (qui est sûrement un peu de transphobie internalisée) que je pourrais vraiment être un mec que quand j'aurais du passing presque constant. Que mon identité sociale va découler juste de ma présentation et de mon corps. Comme j'étais techniquement une fille/femme parce que mon corps était comme ça, même si intérieurement ça a toujours été beaucoup plus nébuleux. Que mon identité intérieure va justement rester nébuleuse et c'est très bien, mais que mon identité sociale va se jouer dans l'interaction et que je ne peux avoir du pouvoir sur ça qu'en changeant ma présentation physique.

J'angoisse à l'idée de dire à des gens "extérieurs" à tout ce qui est LGBT/queer que je suis trans. J'ai l'impression que je leur imposerai un accord super bancal et incompréhensible de : je sais très bien que je ne ressemble pas à un mec, que j'ai passé toute ma vie en étant une meuf socialement et je peux pas t'assurer quoi que ce soit sur mon identité mais crois-moi. J'ai aucun problème avec ça pour les autres personnes trans autour de moi qui ont n'importe quel corps, apparance et passé mais pour moi ça bloque.

Je pensais également que j'étais dans un glass closet, comme quand j'avais fait un coming out lesbien il y a pas mal d'années et que tout le monde m'avait fait comprendre que c'était vraiment pas surprenant vu ma personne. C'était le cas de "se faire traiter de lesbienne avant même de comprendre d'en être une". Je pensais qu'avec la transidentité ça allait faire pareil, que ça allait être un chemin naturel mais c'est pas forcément le cas. Je vois que certains de mes amis (généralement des mecs cis) ont plus de mal que d'autres et restent attachés à l'identité "meuf" et c'est pas très rassurant. Après toutes les conversations qu'on a pu avoir, certains me disent encore que c'est plus naturel pour moi d'aller chez Claire's que pour eux ou que j'ai "quand même une socialisation primaire de meuf donc bon". Ca me fait un peu un choc de me dire qu'ils me prenaient vraiment pour une meuf "normale" avant alors que je pensais qu'ils me prenaient pour moi tout simplement.



Et maintenant tout ça est très beau mais je prend aussi de la T !!!

J'ai des spirales de gros stress sur les changements corporels où je me dis : mais qu'est ce que tu fais, quelle giga erreur, tu peux bien rester comme ça un peu plus longtemps, tu vas trop vite, avant ça allait, t'étais juste mal à l'aise dans ta peau mais au moins c'était safe et t'avais rien à dire à personne. Mais ça se termine toujours par : ohlala je peux pas rester comme ça j'ai trop envie de ressembler à un gars. Les changements me rendent tellement heureux pour l'instant, ma voix qui devient de plus en plus grave, l'arrêt des règles, la prise de muscle et la pilosité qui arrive. Je me sens juste de plus en plus confiant d'exister et ça me fait trop plaisir. Je prend aussi trop de plaisir à me genrer au masculin et au fait que ça devienne de plus en plus naturel, c'est vraiment fun de rebrancher son cerveau et que ça marche. Très hâte que ça continue, surtout maintenant que le processus de changement est enclenché.

Mais ça me donne aussi une sorte de deadline pour un coming out. Je pense que je peux gaslight tout le monde encore quelques temps parce que je ressemble encore à une meuf (je suis à 3 mois de T) mais à partir d'un moment, pour arrêter de me cacher, d'avoir peur que ma transidentité se voit et juste pragmatiquement (si j'ai de la barbe qui pousse ça va être drôle) va falloir faire quelque chose.



J'ai juste envie d'exister tranquillement et que ce soit pas bizarre que j'ai une voix grave, un coprs en changement, que je me genre au masculin et de pas avoir besoin d'affirmer à plein de monde que je suis pas une meuf mais il me faut une étape de : coucou je suis trans et je sais pas très bien répondre à tes questions avant...


Bref, Je suis très curieux d'avoir vos retours, désolé pour le pavé !
Si j'amais vous avez des conseils pour un coming out au travail aussi je suis preneur. J'en commence un nouveau cette semaine et c'est mon premier "vrai" travail à plein temps donc j'y connais pas grand chose.

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Re: Questionnements, manque de légitimité, changements corporels et peur de coming out

Message par Wojtek » 24 oct. 2023 22:52

Salut (et bienvenue du coup !),

Il y a certaines phases que tu décris dans lesquelles beaucoup d'entres nous pourront se retrouver je pense. En tout début de transition, je me suis interrogé moi aussi sur le fait que faire une transition masculine pourrait être synonyme de perdre mon identité de personne "en marge, originale" on va dire (faute de meilleur terme) pour devenir un mec lambda parmi les autres. J'ai vite balayé cette interrogation là parce que je savais que je ne e verrai jamais comme un mec "normal", c'était pas ce que je voulais de toutes façons.

D'ailleurs au départ, je tendais plutôt à une transition androgyne. J'étais sûr de faire la mammec mais pour le reste pas du tout. Je pensais au tout départ ne pas prendre du tout de testo, et j'ai longtemps pensé ne jamais faire d'hystérectomie par exemple. Je souhaitais obtenir un schéma corporel qui se rapprocherait plus du neutre que du masculin. Puis mes besoins/souhaits ont évolué sur plein de plans. Au final, après plus de 12 ans de transition, la seule chose qui n'ait pas évolué c'est le fait de vouloir conserver mes organes génitaux de naissance, parce que ce schéma corporel là me plaît. Aujourd'hui je me définis comme un homme trans, pas juste comme un homme. Le fait de préciser que je suis trans est important, c'est pour moi le marqueur d'un vécu, d'un cheminement, et donc d'une certaine vision du monde et de la société qui n'est pas celui d'un homme cis.

Il est vrai que c'est difficile de se sentir légitime quand la société te renvoie constamment à ton genre assigné à la naissance en se basant simplement sur ton apparence. Il faut bien le reconnaître, les choses sont plus simples au quotidien lorsqu'on a un cispassing, moins besoin de se justifier, moins de mégenrage, c'est triste mais c'est comme ça.
Après, pour la prise de testo sans aucun suivi médical, je comprends dans le principe, j'ai moi-même eu de gros déboires avec des médecins, je ne leur fais pas aveuglément confiance, loin de là. Mais il faut aussi être conscient que les hormones sont sans doute la substance la plus puissante du corps. Quand on voit les changements de ouf que peut produire une toute petite dose de testo injectée régulièrement, c'est quand même super impressionnant. Donc je ne peux que te recommander la prudence, et peut-être te faire prescrire une analyse de sang de temps en temps pour checker toi-même que tout est ok à ce niveau.

Pour la question du taf, perso ça avait été assez simple pour moi. Au départ j'avais pas dit que j'étais trans, j'avais rien commencé médicalement parlant, je me sentais pas du tout légitime et j'avais peur que ça me desserve (je postulais pour un stage, qui s'est transformé en CDD, qui s'est transformé en CDI). Quand j'ai eu mon CDI et qu'il a fallu me faire une adresse mail, j'ai demandé un autre prénom que celui sous lequel on me connaissait, et j'ai expliqué que j'étais trans. À cette époque j'étais dans une toute petite boîte avec des collègues super bienveillants et tout, donc c'est passé sans aucun souci.

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