Famille biologique et transition : comment aborder sereinement un sujet fort épineux ?

Relations sociales, acceptation, coming-out...
Répondre
Avatar du membre
Lunden
Galet
Galet
Messages : 120
Enregistré le : 03 mars 2022 10:58
Localisation : Dans un monde et dans un autre
Situation : Trans
Genre : Masculin
Pronoms : Il - Lui
Hormoné : Oui
Prénom : Oui

Famille biologique et transition : comment aborder sereinement un sujet fort épineux ?

Message par Lunden » 13 juil. 2023 19:51

Bonjour à tous,

C'est peut-être un a priori de ma part, mais j'ai l'impression que pour beaucoup de personnes transgenres - et les personnes nb aussi - ont des difficultés à être entendues sur les questions de transidentité auprès de leurs familles. Pour d'autres, ça passe relativement bien, de ce que je peux supposer en échangeant avec des gens de mon entourage. Mais pour la majorité des cas, cela semble rester épineux.

Il s'agit d'une chose qui m'arrive en ce moment, et même depuis près de deux ans.
Une chose que j'aimerais régler une bonne fois pour toute, parce que je ne veux pas de regrets.

CONTEXTE :

Depuis quelques années, je dirais depuis 2019, j'ai réussi à mettre petit à petit des mots sur ce que je ressentais : ma transidentité était ainsi durement révélée à mes yeux (quoi, je ne suis pas juste un garçon manqué ?!). Ce qui a eu quelques conséquences plus ou moins marquée dans ma vie de tous les jours. J'ai la chance d'avoir un compagnon impliqué, peut-être parfois trop en l'amenant à être vraiment mal pour moi quand il y a mégenrage et tout le toutim, qui est donc un soutien inconditionnel (même s'il y a prises de bec, de temps en temps, mais sur des sujets qui n'ont rien à voir avec ma transition). Bref, je suis au moins bien entouré, dans ma famille "choisie", et heureusement.

Ma transidentité a été également révélée à d'autres personnes : la famille de mon compagnon, des amis plus ou moins proches, des formateurs pour les cours, l'administration... Et aussi ma famille biologique.
Si aborder ma transidentité avec la famille de mon compagnon s'avère déjà très délicate, par rapport aux questions horribles de ma belle-mère et de mon beau-père à l'intention de leur (seul et unique) fils - du style "mais t'es pas homo/pédé, pourtant, non ?" ou des "et vous faites ça comme des mecs, entre vous ?" - parler de ce que je ressens avec mes propres parents est... Impossible, je crois. Pourtant, je ne suis pas désagréable quand je tente d'en discuter avec eux.



Prenons un exemple, le plus récent.



Jeudi dernier, le 6 juillet, je suis retourné dans ma petite ville natale. Une petite ville, aux allures de village là où je résidais, coincée entre deux bourgs du Pas-de-Calais. Taux de paupérisation assez élevé, alcoolisme fort ancré dans mon ancien quartier. Mes parents habitent dans un coron, chacun connaît l'autre pour le peu d'avoir été espionné depuis la fenêtre des toilettes (anecdote véridique). Je n'étais déjà pas très apprécié quand je performais en tant que "fille/femme", parce que j'aimais répondre aux bagarres lancées par les garçons (qui me lançaient insultes et cailloux à la tronche par seaux). Aujourd'hui, personne n'arrive à me remettre, et ce n'est pas si mal, je repars de zéro en un sens. Les habitants sont plutôt intolérants : à juger de qui va aux Restos du Cœur alors qu'ils y vont eux-mêmes, à médire sur un tel parce que son fils est devenu coiffeur et que ce n'est pas un travail d'homme ou que ça fait totalement "tapette", à raconter tout ce qui se passe chez l'autre comme c'est marrant d'accabler son prochain... Bref, bref.

Donc, mes parents baignent totalement dans ce type d'ambiance. Et j'ai grandi dans cette atmosphère. Déplaisante, déplorable.

La visite annuelle à mes parents, la plus désagréable, mais c'est mon "devoir de mémoire" et je n'ai pas envie d'avoir à discuter avec eux de ce que je ressens une fois qu'ils seront morts et enterrés. C'est sûrement stupide, vous me direz, seulement... Ouais, c'est comme ça...
Ils savent depuis environ deux ans, voire plus, que je me genre au masculin. Je ne l'ai pas imposé (de suite), j'ai juste dit que c'était ma préférence. Mais bon, pour eux, je ne disais que des "conneries". D'avance, je savais que ce serait difficile avec eux - ils ont déjà viré mon frère de la maison, quand j'avais 11 ans, parce qu'il était (et est toujours, ça n'a pas changé pour autant) homosexuel.
J'en suis à environ 9/10 mois d'hormones. Ma voix est plus basse qu'auparavant (150 Hz en moyenne, donc androgyne/grave, contre les 175/180 Hz d'il y a quelques mois). J'ai de la pilosité faciale, pas encore assez pour que ce soit hyper flagrant, mais je rase mon menton et mon cou, puisque les poils les plus noirs et drus s'y retrouvent (pour faire la fête).

Je reviens, donc, après toutes ces précisions, à cette journée de jeudi.

Quand j'arrive, j'ai le droit systématiquement à mon ancinom (je n'utilise pas "deadname", ce serait enfouir une partie de moi que je considère avec bienveillance malgré mes blessures psychologiques) et au pronom "elle". Dans le cadre privé, j'ai tendance - après deux ans environ - à reprendre mes parents en disant mon prénom actuel dès que l'ancinom arrive, et "il" à la place du "elle". Bon, ça, c'est une fois sur deux, parce que sur une phrase qui comporte l'ancinom et le pronom "elle" plus de dix fois, ça devient gavant.
Et comme c'est dans leur maison, sans personne aux alentours, on va dire que "ça va", j'excuse les "dérapages" qui n'en sont pas. Sans compter les mots les plus doux qu'ils prononcent.

Ma mère : "Non, j'vais pas utiliser ton prénom, là, parce que t'es venue au monde, je t'ai baptisée d'une façon, et ça restera comme ça, c'est tout."

Mon père : "Arrête avec tes conneries, t'es pas transexuelle. Tu portais même des robes et tu épilais tes jambes. Là, tu ressembles à rien."

Lorsque, dans la sphère privée, je tente d'aborder ma situation de transidentité, ma mère change automatiquement de sujet, en demandant par exemple où se trouve le chat. Mon père, lui, tourne la tête et la secoue, l'air de dire "non, c'est de la merde, je ne veux pas en échanger avec toi". C'est pesant, même en ne les voyant qu'une fois dans l'année.

Arrive le moment où je dois sortir avec mes parents, en centre-ville (éloigné de 20 minutes de là où ils résident), parce qu'ils insistent pour m'accompagner pour que je reprenne le bus. J'ai beau insister et dire que je suis assez grand pour m'y rendre seul, ils n'en ont rien à faire. Et pour cause, et pour cause.
L'arrêt de bus. Mes parents (qui me parlent de je-ne-sais-plus-quoi), moi et une jeune fille qui attend le même bus. Le véhicule est en retard, ou plutôt est passé en horaires d'été donc passe moins souvent. Inquiets à l'idée de me voir en retard pour mon train, ils engagent la conversation avec la jeune fille (alors que, personnellement, j'en ai rien à cirer d'avoir quelques minutes de retard).

Ma mère : "... Non, mais on ne demande pas pour nous. C'est pour [me désigne du doigt] notre fille, parce qu'elle a un bus à prendre..."

J'ai répondu, avec ma voix la plus grave, que je n'étais pas sa fille et qu'elle devait arrêter de vivre sans ses rêves. Puis j'ai ajouté que j'avais spécialement rasé ma barbe pour venir, comme elle trouverait ça "sale". Elle a fait la tête, mais bon. Elle n'a pas l'air de se rendre compte que outer quelqu'un n'est pas seulement dangereux pour cette personne, mais aussi pour sa famille, lorsque les gens autour sont des intolérants puissance mille. La jeune fille en question était gênée, je l'ai vu dans ses yeux. La pauvre. Vu mon look et ma voix, mon passing est bon. Elle a dû se sentir comme chez les fous, à l'instant T. Bref, bref, bref.
Suite à cette conversation brutalement interrompue, mes parents croisent leurs anciens voisins (grand-mère avec ses enfants, et sa petite-fille). Des personnes qui, encore, ont la langue bien pendue et... Oh, surprise ! Je n'existe plus, d'un coup ! Ma mère, assise à côté de moi, s'éloigne d'un coup pour aller dire bonjour. Et plus question de dire "ma fille est là", non, ça ferait sûrement trop tâche. On m'ignore subtilement. Je suis à la fois soulagé et vexé. C'est une étrange sensation que je ressens.


En somme, vous voyez un peu l'intolérance de mes parents. J'exècre à les voir, vraiment. Mais, comme dit plus haut, je n'ai pas envie de régler des soucis qu'il y a dans ma tête, avec eux, quand ils ne seront plus en mesure de répondre. Ce serait "trop tard" et j'aurais "perdu des choses importantes à dire". Ce n'est peut-être pas très compréhensible, mais... Meh.

Je pensais que ma famille plus "éloignée" (cousine, et tante qui habitent dans la rue d'à côté) seraient encore moins enclines à mon changement. Mais que nenni ! Ma tante, pourtant âgée de 70 ans, m'a demandé mon prénom et mes pronoms (en s'excusant si elle dérapait, puisqu'elle ne m'a pas vu depuis deux ans environ). Et ma cousine de 40 ans, quant à elle, m'a dit que j'aurais pu lui parler - par messages - bien plus tôt de tout cela, même si on a du mal à s'entendre.


QUESTIONS :

Dans ce contexte, je voulais savoir ce que je peux faire pour que mes parents, à défaut d'accepter, comprennent au moins en partie ce que je ressens. Ils sont hermétiques à beaucoup de choses et, depuis mon adolescence, j'ai plus dû agir en soutien psychologique à mes parents, que eux en tant que tels envers moi (ils sont alcooliques et j'ai souvent eu à les relever de leurs excréments, quand j'étais harcelé à l'école ils répondaient par la violence...). Bref, bref, bref, bref.

Ainsi, j'ai envisagé quelques cas :

- Je ne me vois pas leur payer des ouvrages sur la transidentité, ils ne les liraient pas.
Peu-être écrire une lettre, alors, avec une photographie de moi, épanoui, dedans ? Il m'en faudrait des feuilles pour écrire, des tas, mais c'est envisageable.
Certain.e.s d'entre vous ont déjà usé de cette stratégie ? Qu'est-ce que cela a pu donner ?

- Autrement, je me demande si des sanctions pénales et/ou légales ne pourraient pas les secouer un peu, et les "aider" - d'une certaine manière - à mieux me comprendre, à voir ce que le rejet peut générer chez autrui, surtout quand autrui est leur enfant qu'ils prétendent aimer.
Connaissez-vous des moyens pénaux/légaux à faire valoir dans ce genre de situation ? Si oui, lesquels ? En avez-vous déjà usé ?

- Aussi, je pensais être plus au clair avec mes pensées et mes sentiments (si c'est bien cela) en consultant une. psychologue ou psychiatre. Seulement, vu le prix pour l'un et les délais pour l'autre, j'ai des doutes quant à une prise en charge.
Est-ce que discuter avec un.e professionnelle a pu apaiser certains d'entre vous ? Si oui, en combien de temps et en quelle quantité de "travail" cela a été possible de faire la paix intérieurement ?


Je remercie les courageux.ses qui m'ont lu jusqu'au bout pour être arrivés ici, à ces dernières lignes.
Que la force soit avec vous, et bonne journée !

j3r3mix
Pierre moussue
Pierre moussue
Messages : 705
Enregistré le : 08 mars 2021 18:29
Localisation : Lyon
Situation : Trans
Genre : M
Pronoms : il
Hormoné : Oui
Chirurgie du torse : Oui
Hystérectomie : Oui
Chirurgie génitale : Oui
Prénom : Oui
État civil : Oui

Re: Famille biologique et transition : comment aborder sereinement un sujet fort épineux ?

Message par j3r3mix » 14 juil. 2023 23:55

Déjà je compatis : famille paternelle également issue du ch’Nord, intolérante sur tout (donc transphobe), alcolo également… on est peut-être cousins lol.

Plus sérieusement, j’ai tapé du poing sur la table en mode « soit vous arrêtez vos propos dégueulasses et vos menaces, soit je coupe les ponts, pas moi que ça gênera ». Ça a calmé le paternel ainsi que mon frère, qui suit ses traces, et on a retrouvé nos rapports superficiels d’antan. Il paraît qu’on ne peut pas rejeter quelqu’un de sa famille, bizarre, vu que la famille (paternelle toujours) a rejeté un de mes oncles parce que gay. Je ne l’ai vu qu’une fois à un enterrement… avant son propre enterrement :cry:

Paradoxalement, il est plus au taquet que ma mère, qui elle me soutient en surface mais me mégenre encore souvent. Ça fait pourtant plus de 5 ans, et encore si je ne compte que le 2nd CO que je lui ai fait, vu qu’elle a effacé le 1er de sa mémoire. Elle pour le coup j’essaie de la conseiller en lectures, parce qu’elle lit / regarde tout ce qu’elle trouve, mais résultat il y a pas mal de bousins dans le lot :?

Avatar du membre
Sasha Clem Merry
Gravier
Gravier
Messages : 8
Enregistré le : 04 juin 2023 17:12
Situation : Trans
Genre : Neurogenre
Pronoms : Ael + Iel

Re: Famille biologique et transition : comment aborder sereinement un sujet fort épineux ?

Message par Sasha Clem Merry » 24 juil. 2023 15:43

Bonjour,

Je n’ai pour le moment pas du tout abordé le sujet de la transidentité avec ma famille. J’ai beaucoup trop la trouille de leur réaction et pas du tout l’énergie disponible pour encaisser une négative. Ma famille est persuadée de m’aimer et que je l’aime, mais elle n’aime qu’un personnage qu’elle a créé et qui n’est pas moi. De mon côté, je lui en veux beaucoup de ne pas me voir comme je suis et je la déteste aussi de ne pas être inclusive. Je n’ai pas une famille ouvertement oppressive, mais pas inclusive non plus : c’est-à-dire que j’ai le genre de famille qui va adorer se dire tolérante et dire que le racisme c’est pas bien et qui ne va jamais dire d’insultes homophobes… mais qui dans le même temps était contre le mariage pour toustes, a souvent des propos oppressifs par ignorance, soutient des femmes sexistes, bref… Ces fameux gens biens qui n’en sont pas.

Pour le moment, je n’ai pas entrepris de démarches pour consulter des psys parce que j’en ai consulté pas mal ces dernières années pour un autre sujet et que j’ai fini par en avoir marre de payer cher pour être peu voire pas comprix.

Bon, donc j’aide pas trop là, haha, mais tout ça pour dire que je compatis et que je me reconnais dans le fait que c’est une galère sans nom, le coming out à la famille.

Avatar du membre
Malö
Gravier
Gravier
Messages : 48
Enregistré le : 22 janv. 2022 11:04
Localisation : Paris
Situation : Trans
Genre : Homme
Pronoms : Il
Hormoné : Oui
Chirurgie du torse : Oui
Hystérectomie : Oui
Prénom : Oui

Re: Famille biologique et transition : comment aborder sereinement un sujet fort épineux ?

Message par Malö » 24 juil. 2023 19:11

Wooow t'as beaucoup de courage d'affronter ça bravo. C'est tellement dur à gérer ces liens là :cry:

La lettre ça semble bien oui en tout cas ça solutionne en partie ton problème de leur dire les choses avant que ce soit trop tard. C'est un médium que j'ai utilisé moi même et que j'apprécie particulièrement car tes propos restent fidèles même longtemps après et ne sont pas modifiés par les souvenirs de la personne à qui c'était adressé.
Je rejoins j3r3mix pour le coupage de ponts, j'ai moi aussi pris de la distance avec ma mère au début quand elle m'a sorti des tas d'horreur, et en lui expliquant je faisais ça pour me préserver, parce que ça me faisait mal. Histoire d'insister sur le fait que c'est pas un caprice de quelqu'un de vexé mais juste stop en fait, personne ne devrait avoir à subir cette violence.
Et pareil elle a cru me perdre et elle a changé son discours et son comportement quelques temps après.

Est-ce que des podcast, films, vidéos, documentaires pourraient remplacer les livres ?
Y a pas mal de choses sur paint tv par exemple c'est accessible et touchant.

Répondre