Quelles solutions, quand le coming out ne suffit pas?

Relations sociales, acceptation, coming-out...
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Austin/Aka
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Quelles solutions, quand le coming out ne suffit pas?

Message par Austin/Aka » 12 févr. 2018 15:45

Bonjour à tous, je reviens sur le forum après une très longue déconnexion, donc si malgré mes recherches un sujet similaire a déjà été abordé, permettez moi de me flageller.
C'est aussi la troisième fois que je recommence entièrement ce post, donc j'espère que ce sera assez clair...

J'ai fait mon coming out à ma mère il y a plusieurs années, autant dire que du temps, je lui en ai laissé. Beaucoup. Honnêtement, je lui ai laissé plus de temps que nécessaire et je réalise que j'aurais dû plus insister.
A ce moment là, j'avais 14ans, et il s'était écoulé des mois entre le moment où j'ai pris la décision de lui faire mon coming out et le moment où je l'ai fait. J'ai vraiment eu l'impression de réunir la moindre once de courage qui était en moi ; donc vous l'aurez compris, c'était difficile. J'en ai un peu parlé sur l'ancien forum, la réaction à laquelle j'ai eu droit à chaud, même si elle était vexante sur certains points, était encourageante (on oubliera les "mais c'est pour les travelos ça, ceux qui se déguisent en attendant l'opération" en parlant du binder et autres joyeuses fantaisies propres à l'incompréhension).

Et ensuite, j'avais bien compris compris que le maître mot de l'acceptation était le temps. Donc, je lui ai laissé du temps. Je relançais le sujet de temps à autres, mais elle met toujours un terme à la conversation par des questions auxquelles il n'existe pas de réponse, et dont le seul intérêt est de me faire taire. Depuis que je lui en ai reparlé elle s'en défend, mais moi je m'en souviens très bien du jour où elle m'a dit "Je n'accepte pas" et "Tu t'es fait bourrer le mou sur Internet". Evidemment. Malgré mes efforts, je ne peux pas en parler avec elle. Et pourtant ces efforts sont colossaux. Selon ses propres dires face à un psychiatre - consulté à la base pour toute autre chose - elle accepte l'idée que je ne sois pas une fille, mais pas celle que je sois un garçon. Comprenez par là que tant que rien ne change pour elle, est le vit bien. En réalité quand elle était enfant, ma mère était un peu "un garçon manqué", donc elle pense comprendre ce que je vis. Sauf que ben, non. Du coup, son jugement de moi est biaisé de base. J'aurais presque préféré, sans paraître insultant envers ceux/celles à qui c'est arrivé, qu'elle me rejette en bloc pour pouvoir lui tourner le dos sans culpabiliser, sauf que ceci mis à part, elle me soutient vraiment. Dans les autres aspects de ma vie qui n'impliquent pas une transition.
Et je ne peux plus vivre comme ça, à devoir supporter ce poids parce que c'est plus simple pour elle, pour les autres. Je m'arrache les cheveux en me disant que si ma volonté avait été respectée dès le départ, mes deux jeunes cousins ne m'auraient jamais connu en tant que fille, une autre était tellement jeune qu'elle ne s'en souviendrait même pas, et je me serais évité une probable dépression - en tout cas, je me serais évité les passages devant le miroir avec une lame dans les mains à faire le décompte à partir de 100 jusqu'à avoir le courage de couper.

Je suis en train de terminer le lycée et c'est une catastrophe absolue (il y a d'autres facteurs aggravants qui y sont pour beaucoup, n'empêche qu'être reconnu serait un sacré coup de pouce pour commencer à socialiser). Si je ne rate pas mon bac, l'année prochaine ce sera les études supérieures et il est hors de question de recommencer comme le lycée. Hors de question de m'inscrire comme fille, de me présenter comme fille, d'accepter d'être vu comme fille alors qu'il est évident pour tout le monde que je n'en suis pas une. Je vais sérieusement finir par en crever.
Et du coup, je fais quoi? Parce que même à la vitesse de l'éclair et dans le meilleur des mondes je n'aurais jamais accès à la T d'ici là, et je vois mal ma mère accepter en 6 mois ce qu'elle a refusé pendant 4ans. Je sais juste plus quoi faire. J'ai d'autres problèmes qui font que c'est le chaos dans ma tête, et je sais pas quoi faire, et je suis complètement perdu. Je sais que le choix m'appartient, que c'est ma vie, mais n'étant pas "normal" au sens commun du terme c'est quelque chose qui m'est impossible. Je serai indépendant - ou quasiment - financièrement l'année prochaine ou dans les années qui suivent, mais juste sur le plan financier. Je suis incapable de gérer ma vie, je ne peux pas prendre de rdv par téléphone, sérieusement je peux même pas aller faire les courses tout seul. Et puisque je n'ai apparemment "pas les codes" je suis incapable d'entretenir une conversation avec quelqu'un sans dire quelque chose qu'il ne faut pas (autant dire que je ne suis pas pressé de vivre les entretien d'embauche).

Je pense que c'est suffisamment long comme ça. J'ai essayé d'expliquer au maximum, mais je suis pas très doué pour ça. Si ça n'était pas pertinent, encore désolé.
"The Sandman's coming in his train of cars, with moonbeam windows and with wheels of stars. So hush you little ones, and have no fear, the man in the moon is the engineer."

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Austin/Aka
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Re: Quelles solutions, quand le coming out ne suffit pas?

Message par Austin/Aka » 14 févr. 2018 23:15

Salut Décembre (j'aime ce pseudo), merci pour ta réponse.

Je serai bientôt majeur. Et ce que tu soulignes, par rapport au fait que nos parents nous voient toujours comme des enfants, ben... Figure toi qu'une fois j'ai posé la question directement à ma mère. Verdict : "Je ne vous verrai jamais comme des adultes" (mon frère et moi). D'autant que c'est encore plus marqué chez moi que chez mon frère, sans doute dû de cette culture d'interdire certaines choses au filles pour les préserver des potentiels dangers masculins, et aussi parce que je suis le petit dernier, et psychologiquement plus - fragile? - que mon frère. Elle me répète souvent que je ne comprends pas à quel point elle est tolérante envers moi, qu'elle accepte assez facilement des choses que d'autres n'assumeraient pas (je pense qu'elle fait référence à ma "neuroatypie", mais j'ai du mal à concevoir ce qu'un parent aurait à accepter - ou refuser - en apprenant que son enfant est autiste, par exemple). Après, je sais que je suis "bizarre" puisqu'on me l'a assez répété, mais je sais pas où exactement. Et il semblerait que ma mère sorte elle aussi des normes, c'est pour ça qu'elle me dit qu'elle me comprend.

Du coup, elle aussi elle s'attend, ou s'attendait, à me voir lui annoncer que tout n'était qu'un vaste malentendu. Et je reconnais que juste ça, c'est assez difficile à vivre. Ce sentiment de ne pas être pris au sérieux. Les rares fois où j'ai essayé d'établir le dialogue, de lui expliquer mes intentions, elle tournait court à la conversation ("Tu veux te faire greffer un penis, c'est ça? Tu veux une bite" - J'aurais sans doute dû renchérir, mais je m'y attendais tellement pas venant de ma mère que j'ai tout arrêté.)
Et comme je suis tout sauf indépendant... Elle me materne. J'aurai beau être majeur, ça changera rien au fond du problème. Je pourrais gérer mon argent seul, certes. Mais si tu savais combien ça m'étonnerais qu'elle me soutienne vraiment, et qu'elle m'accompagne dans les démarches alors que j'aurai tellement besoin d'elle...
Je sais juste, pas du tout comment m'y prendre. La dernière fois que j'ai pris sur moi pour quelque chose qui me tenait à coeur, et que j'ai dû passer un coup de téléphone, au moment de raccrocher j'ai failli vomir, puis dans le brouillard jusqu'à la fin de la soirée. Donc même avec toute la bonne volonté du monde, je ne suis pas sûr d'en être capable. Et ne serait-ce qu'au niveau psychologique, j'ai besoin d'elle. Je culpabilise beaucoup trop facilement, je me fais du sang d'encre pour rien. J'estime avoir suffisamment souffert pour le confort des autres, et je pense que je m'en remettrai si c'est un autre membre de ma famille qui me lâche, mais pas ma mère. Et niveau déplacement... Dépendant aussi.

Je suis désolé, je suis vraiment un cas désespéré. Je sais que personne ne peut ne peut le faire à ma place, mais je me sens juste pas à la hauteur. Mais merci pour tes conseils et pour ton soutient, j'en avais vraiment besoin.
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Re: Quelles solutions, quand le coming out ne suffit pas?

Message par Tortue » 15 févr. 2018 22:06

Salut Austin/Aka

Je me reconnais assez dans ce que tu décris de la dépendance par rapport à un parent et à l’impasse que ça peut être : j’ai aussi cette impression d’avoir beaucoup vécu pour ma famille, tout en ne concevant pas l’idée de ne plus la voir. Moi aussi je suis proche de ma mère et mes parents peuvent être très soutenant pour pleins d’aspects de ma vie mais coooomplètement à côté de la plaque sur la question de la transition ; et même carrément rejetant suivant les moments.

Du coup à une époque j’ai pas mal reçu de conseils en mode « tu ne vis pas pour eux mais pour toi, si il faut couper les ponts c’est un moindre mal », sauf que pour moi c’était et c’est toujours impossible de ne plus les voir. Du coup ça m’enfonçait plus qu’autre chose parce qu’en plus de me sentir coincé je me sentais lâche de ne pas être capable de m’éloigner d’eux. Pour certaines personnes un éloignement, voire une rupture suivant les situations, peut être bénéfique, mais pour d’autres c’est plus compliqué.
Ce qui m’a aidé, c’est de compartimenter : avec mes parents j’ai arrêté d’espérer leur approbation, mais j’essaie de profiter ce qu’il y a de bien dans notre relation, et en dehors j’ai essayé de voir quel équilibre je pouvais trouver. Mais c’est venu petit à petit et au final c’est ce rythme qu’il me faut ; en sortant du bac j’ai voulu me mettre un coup de pied aux fesses parce que je me disais que je ne supporterai plus qu’on me voit comme une femme plus longtemps, mais au final le stress était trop puissant et j’ai loupé ma première année d’étude. Pour d’autres personnes ça aurait été un déclic ce passage en études supérieures mais pour moi c’était trop brutal, et j’ai pas géré niveau angoisse (déjà les études étaient une source d’angoisse en elles-mêmes alors ajouter de l’angoisse supplémentaire, ça m’a fait me casser la figure). Donc au final j’ai été petit pas par petit pas, en essayant de gérer une chose à la fois. Et, maintenant, petit à petit j'apprends à m'imposer plus et à moins compartimenter.
Je ne dis pas ça du tout pour te dire que ce n’est pas une bonne chose de vouloir que les choses changent en profitant du passage en études supérieures ; ça peut l’être ! Ce que je veux dire en fait, c’est qu’il n’y a pas un parcours tout tracé ; tu peux tout à fait compartimenter entre ta famille avec laquelle tu te préserves si tu as l’impression de lutter contre le courant et tes connaissances/ami-e-s avec lesquels tu peux demander à être respecté dans les bons pronoms, tester ta zone de confort..etc Pareil, tu peux choisir d’être out avec quelques personnes de ta promo au niveau des études supérieures sans forcément batailler avec l’administration si tu as peur que ça soit trop anxiogène pour le moment. Après je ne vais pas mentir, trop compartimenter ça peut devenir piège à la longue, d'où le fait que j'essaie maintenant de "décloisonner", mais je me dis que j'ai pu avancer malgré tout parce que je me suis ménagé "en amont".
Tout ça, ça dépend bien sûr de ce que tu as besoin, et je ne dis pas que c'est LA solution de compartimenter ou d'aller pas à pas (pour certaines personnes ça peut, au contraire, être très mal vécu) mais c’était juste pour partager le fait que ce n’est parfois pas aussi rectiligne que « CO, puis Testo, puis indépendance…etc » ; en fonction des autres choses que l’on a à gérer à côté de la transition ça peut être différent.

Est-ce que tu penses que tu pourrais trouver de l’aide quelque part pour gérer tes angoisses ? Cela pourrait te permettre de voir comment faire pour ce qui est des démarches (courses, téléphone…etc) et te faire te sentir moins coincé par rapport à ça ?

j'espère que je ne suis pas trop à côté de la plaque dans ma réponse ; et désolé pour le pavé (ça fait 1h que je suis sur ce message, à essayer de bien formuler ahah) !

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Re: Quelles solutions, quand le coming out ne suffit pas?

Message par Austin/Aka » 21 févr. 2018 22:58

Salut Tortue,

Le problème, c'est que ça va encore au-delà de ne pas pouvoir couper les ponts, je ne peux pas me passer d'elle. Je sais que théoriquement, je n'aurai plus à attendre son accord étant majeur, mais dans les faits... Ce n'est pas seulement que me mère ne me soutient pas, elle refuse catégoriquement et j'en suis certain, elle me mettra des bâtons dans les roues. Hors de question pour elle de me laisser "commettre l'erreur de ma vie", elle ne se contentera pas de juste me regarder de loin en fronçant des sourcils. Et ma mère ne supporte pas d'être mise devant le fait accompli. Le pire scénario serait celui dans lequel du jour au lendemain elle se rend compte que quelque chose a changé, ou que j'ai pris des initiatives sans lui en parler/sans son approbation. Du coup je suis dans une position d'entre-deux, bloqué entre le fait qu'elle ne me rejette pas en soit, et le fait qu'elle m'empêche d'agir. C'est clairement une situation qu'elle a et qu'elle compte garder en main, il n'y a aucun compromis possible.

Ca me rassure quand même de savoir que tu vis la même chose, parce que je ne me voyais pas du tout faire comme il est souvent conseillé, de couper les ponts. C'est juste inconcevable, quoi que ma mère puisse faire ou dire. Mais compartimenter, c'est déjà ce que j'ai plus ou moins fait ces dernières années, mes amis proches sont au courant, ma meilleure amie depuis des années m'a toujours genré au masculin et m'appelle depuis longtemps par un surnom. Mais c'est une situation avec laquelle j'ai du mal. Ma mère m'avait dit de ne surtout en parler à personne, parce qu'à cet âge là c'était "dangereux" et j'ai toujours gardé de ça une terrible sensation de culpabilité et désobéissance du fait d'agir quand même comme je l'avais décidé (le plus ou moins coming out à mes amis). C'est vraiment la sensation physique qui te prend quand tu sais que tu transgresses les règles, et j'ai du mal avec ça. On m'a toujours dit que j'étais quelqu'un de très droit, les règles qu'on m'a apprises je les suis à la lettre, c'est le principe d'une règle. J'ai toujours fonctionné comme ça. Je crois aussi qu'une part de grande naïveté a fait que je n'ai jamais remis en question ce qu'on me vendait comme parole d'évangile.

Pour l'angoisse, c'est en partie ce qui fait que je ne suis pas certain de faire quelque chose l'année prochaine. Déjà parce que mes notes ont tellement chuté que l'obtention du bac ne sera pas la simple formalité espérée par mes professeurs en début d'année, et parce que je ne me sens pas capable d'endurer des études supérieures. La période du lycée a déjà été un carnage, je ne me fais pas d'illusions, je sais très bien que ce sera encore pire par la suite. Tout ce qu'on me dit, c'est de faire des efforts, mais j'y peux rien, j'ai toujours fait des efforts, et il arrive un moment où même avec tous les efforts du monde, je suis juste inadapté. Je sais que si je tente quelque chose je vais me ramasser, et subir encore un autre échec va faire s'écrouler le tout petit peu de confiance que j'ai encore en moi.
Mais je suis pas sûr de bien saisir ce que tu veux dire quand tu parles de trouver de l'aide? J'ai un psy, si c'est la question. C'est mon 4e d'ailleurs, et je n'ai toujours pas l'impression que ça serve à quoi que ce soit. Ils me l'ont tous dit également. C'est peut être juste moi qui n'arrive pas à dépasser le stade d'huître fraîche. Sauf que j'ai déjà l'impression de faire des efforts colossaux pour m'ouvrir au psy, alors s'il attend plus que ça je ne vois pas quoi.

(je pense que niveau pavé, je suis vraiment pas mal non plus. Merci, au fait.)
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